Résumé

Méthode d’action violente cherchant à susciter la peur dans les sociétés qui en sont la cible, le terrorisme n’est ni nouveau, ni l’apanage des groupes islamistes radicaux. En réaction aux attentats du 11 septembre 2001, les États occidentaux sont tentés d’instrumentaliser l’anxiété. Le terrorisme suscite souvent un recul de l’État de droit dans les pays démocratiques et un renforcement des politiques répressives par les régimes autoritaires.

Historiquement, le terme de terrorisme renvoie au régime instauré sous la Terreur pendant la Révolution française. Son usage s’est néanmoins transformé au cours du xix e siècle pour désigner une forme particulière de violence politique.

Une définition soumise à des enjeux politiques

La définition du terrorisme fait débat, car le terroriste des uns est souvent le combattant de la liberté des autres. Pour les Allemands, les résistants pendant l’Occupation étaient des « terroristes » ; de même, les autorités et les médias étatsuniens ont systématiquement qualifié de terroristes les insurgés qui s’en prenaient aux forces étatsuniennnes en Irak après 2003. Malgré des tentatives (comme celle du secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, en 2005), il n’existe pas de consensus international sur le concept et des définitions rivales peuvent être employées en vue d’inclure les actions de certains groupes afin de les discréditer, et d’exclure celles des autres. Assez logiquement, aucun mouvement ne se qualifie lui-même de « terroriste » et la plupart des groupes ainsi désignés rejettent cette étiquette.

Une définition reste néanmoins nécessaire sur le plan juridique, en particulier lorsqu’un gouvernement adopte, pour faire face au risque d’actions terroristes, des législations spécifiques (« lois anti-terroristes ») permettant par exemple d’allonger la garde à vue, de limiter les droits de la défense et de durcir les peines. Selon la loi française de 1996, un acte relève du terrorisme s’il est « commis intentionnellement (…) avec le but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ». Cette définition, relativement subjective (quant à l’identification de ce qui trouble l’ordre public par exemple), est inopérante dans de nombreuses situations, notamment de conflits. Ce qui relève d’un acte de guerre classique ou devrait être défini comme un assassinat politique (comme celui de l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche à Sarajevo en 1914) peut ainsi être qualifié de terrorisme afin d’en discréditer les auteurs.

Diversité des définitions et appartenances

Malgré la diversité et la subjectivité des propositions, un certain nombre d’éléments de définition émergent néanmoins. Le terrorisme n’est pas une idéologie. C’est une méthode d’action violente inspirant l’anxiété (« la terreur ») et généralement utilisée dans le cadre d’une relation asymétrique (le faible s’attaque au fort). Les cibles directes de la violence (généralement civiles) ne correspondent pas nécessairement aux objectifs principaux (au contraire de l’acte de guerre ou de l’assassinat politique) car il s’agit, à travers la médiatisation de cette violence, de créer un climat de peur et d’insécurité chez ceux qui en sont les témoins directs et indirects. Les victimes immédiates de la violence peuvent être choisies au hasard (cibles d’occasion) ou sélectivement (cibles représentatives ou symboliques) dans une population cible (une communauté ou un groupe religieux par exemple), et servent de générateurs de message. Les attentats du 11-Septembre furent particulièrement efficaces moins en raison du nombre de morts (près de 3 000) que parce que tout le monde en fut témoin (par la télévision) et a pu se sentir atteint.

Attentats terroristes entre 1996 et 2016 

Source : National Consortium for the Study of Terrorism and Responses to Terrorism (START), 2016, Global Terrorism Database, www.start.umd.edu/gtd

Commentaire : La carte présente une géographie très contrastée du terrorisme dans le monde au cours des 20 dernières années. Les principales victimes des attentats (en nombre de morts et en fréquence mensuelle des attentats) sont les populations d’États « faillis », exposées à des conflits et à une violence multiforme et récurrente. La Global Terrorism Database est une compilation de différentes bases de données produites successivement depuis 1970 par deux agences de sécurité privée états-uniennes et deux centres universitaires de recherche sur la sécurité (Universités de New Haven et du Maryland), construite à partir de l’enregistrement en temps réel des incidents et de recherches rétrospectives, et d’une définition large des actes terroristes.

Pour les terroristes, l’important n’est pas en soi de maximiser le nombre de victimes, mais de créer un sentiment de peur dans la société. Leur but est que les violences entraînent dans leur sillage un chaos social, juridique et politique afin d’affaiblir les États ou les sociétés visés. C’était le rêve, au cours des années 1970, de groupes terroristes d’extrême gauche comme la Fraction armée rouge allemande, qui pensait que la fermeté du gouvernement dans sa lutte antiterroriste révélerait aux yeux de tous la nature supposément fasciste du pouvoir allemand. C’est également l’objectif, aujourd’hui, de l’organisation État islamique (EI), qui espère parvenir à dresser les non-musulmans contre les musulmans afin de fracturer les sociétés occidentales par une guerre civile larvée, tout en délégitimant les autorités politiques des pays par la preuve de leur incapacité à remplir leur fonction primordiale, à savoir assurer la sécurité des citoyens sur leur territoire.

Le terrorisme existe depuis longtemps et n’a jamais été l’apanage des seuls groupes islamistes. D’autres groupes revendiquant une appartenance religieuse y ont également eu recours (attaque au gaz sarin dans le métro de Tokyo par la secte Aum en 1995, campagnes de terreur menées par l’Armée de résistance du Seigneur [LRA] en Ouganda, attentats à la bombe et assassinats de civils arabes par l’Irgoun en Palestine mandataire, etc.), de même que des groupuscules d’extrême gauche et d’extrême droite (en particulier en Europe durant les années 1970 et 1980) ou encore des mouvements nationalistes comme l’IRA (Irish Republican Army) en Irlande du Nord, l’ETA (Euskadi ta Askatasuna) au pays basque, le FLN (Front de libération nationale) durant la guerre d’Algérie, l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) au cours des années 1970 et 1980, les Tigres tamouls au Sri Lanka, etc. De fait, toutes les régions du monde sont touchées par l’action de groupes terroristes, qu’ils s’inscrivent dans un combat local, régional ou global. Si la médiatisation est particulièrement forte lorsque ce sont les sociétés occidentales qui sont frappées, la très grande majorité des victimes d’attentats terroristes se trouvent en réalité dans des pays du Sud, en particulier ceux affectés par un conflit (Afghanistan, Irak, Syrie, Somalie, etc.).

Attentats terroristes : évolution du nombre de morts par régions, 1970-2016

Source : START, 2016, Global Terrorism Database, www.start.umd.edu/gtd 

Commentaire : Le diagramme montre l’évolution du nombre de morts par attentats terroristes par grandes régions du monde entre 1970 et 2016. Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord constituent la zone la plus touchée par cette violence de masse spasmodique qui augmente considérablement au cours de la période la plus récente. L’évolution est assez semblable en Afrique subsaharienne et proche en Asie de l’Ouest. La Global Terrorism Database est une compilation de différentes bases de données produites successivement depuis 1970 par deux agences de sécurité privée états-uniennes et deux centres universitaires de recherche sur la sécurité (Universités de New Haven et du Maryland), construite à partir de l’enregistrement en temps réel des incidents et de recherches rétrospectives, et d’une définition large des actes terroristes.

Dérives de la lutte contre le terrorisme

L’étiquette « terroriste » est hautement stigmatisante. Signe d’un manque de légitimité, elle permet aux gouvernements d’appliquer des règles juridiques différentes de celles de la justice criminelle ordinaire sur la base d’une décision unilatérale. La lutte antiterroriste peut servir de prétexte au durcissement de certains régimes politiques, comme en Russie (face aux Tchétchènes) ou en Chine (face aux Ouïghours). Au sein des pays démocratiques, elle a pu donner lieu à la restriction de libertés individuelles et au recours à des procédés condamnés par le droit international : instauration de régimes d’exception (état d’urgence), violation des Conventions de Genève, écoutes illégales, utilisation de la torture, enlèvements et prisons secrètes, etc. Dans la foulée du 11-Septembre, la plupart des gouvernements occidentaux ont adopté, sans que l’opinion publique ne s’en émeuve, des législations attentatoires aux libertés individuelles (comme le Patriot Act aux États-Unis). Cette tendance s’est confirmée en Europe depuis les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et du 22 mars 2016 à Bruxelles.

du 11 septembre 2001, les États occidentaux sont tentés d’instrumentaliser l’anxiété. Le terrorisme suscite souvent un recul de l’État de droit dans les pays démocratiques et un renforcement des politiques répressives par les régimes autoritaires.

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