Diversités religieuses
Sri Chinmoy ouvre en silence la première conférence internationale inter religieuse aux Nations Unies, 24 octobre 1975
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Sri Chinmoy ouvre en silence la première conférence internationale inter-religieuse aux Nations unies, 24 octobre 1975.
Sri Chinmoy (1931-2007), philosophe hindouiste bangladi installé aux États-Unis ouvre en silence la première conférence internationale inter religieuse aux Nations Unies le 24 octobre 1975.
Résumé
Il est courant de diviser le monde en grands ensembles religieux, mais ces derniers ne suffisent pas à représenter la pluralité des religions « vécues ». Chacune des religions mondiales se caractérise par une diversité interne qu’il est nécessaire de prendre en compte si l’on veut saisir les multiples agendas politiques qu’elles contribuent à légitimer.
L’observation des religions dans l’espace mondial ne peut faire l’économie de plusieurs mises en garde, préalables à l’énonciation des caractéristiques démographiques des grands ensembles religieux et à la mise en exergue de leur diversité interne. À l’encontre de la représentation courante de blocs religieux uniformes dans leurs pratiques, valeurs et préoccupations, il est essentiel de souligner la pluralité des référents religieux pour pouvoir comprendre leurs usages politiques.
Définition et mises en garde
Il existe autant de définitions que de spécialistes du fait religieux. Nous pouvons retenir celle donnée par Émile Durkheim dans Les Formes élémentaires de la vie religieuse (1912), qui présente la religion comme « un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées […] qui unissent en une même communauté morale, appelée Église, tous ceux qui y adhèrent ». Ce faisant, la religion peut constituer le fondement d’ identités collectives susceptibles d’être mobilisées pour légitimer un ordre politique, des réseaux de solidarités ou des mobilisations sociales.
Le simple fait de chercher à identifier et à localiser « des » religions revient à faire œuvre de sélection dans une réalité complexe et, par conséquent, à produire une représentation qui tend à transformer cette réalité. C’est précisément ce à quoi s’attèlent les entrepreneurs identitaires et religieux, qui prétendent incarner l’ensemble des croyants relevant d’une religion donnée et dont ils véhiculent une image uniformisée. Cette approche monolithique est aussi le produit d’analyses simplistes, comme celle qui conduit à annoncer (ou à dénoncer) un « choc des civilisations », recoupant des lignes de partage religieuses qui nient une réalité complexe – faite de différences et parfois de tensions internes aux grands ensembles religieux – autant que les coopérations qui les transcendent. Si, pour les besoins de l’analyse, on peut retenir les principales caractéristiques de ces grands ensembles reliés par l’attachement à des textes, à des pratiques ou à des représentations communes, il faut rappeler sans relâche que la diversité interne est un trait partagé par toutes les religions.
Il convient enfin de préciser que les données démographiques, en l’absence d’indicateurs mondiaux fiables, ne peuvent refléter une image exacte de la réalité : les estimations varient selon les sources (PEW, ARDA, CIA World Factbook, etc.), et la collecte de données diffère en fonction de calculs souvent opérés par les États (certains favorisant une religion tandis que d’autres répriment toutes les pratiques religieuses) ou par les organisations religieuses (susceptibles d’amender les statistiques selon leurs intérêts).
Grands ensembles religeux, 2010-2050
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Commentaire : Seul le Pew Research Center compile et calcule des données internationales sur les religions. Ce graphique montre le nombre de croyants dans le monde pour chaque grande religion en 2010, ainsi que des projections pour 2050. Les chrétiens sont les plus nombreux en 2010 (plus de 2 milliards), devant les musulmans et les non-affiliés, mais les deuxièmes rattraperont presque les premiers vers 2050 (un peu moins de 3 milliards). Ces évolutions correspondent davantage aux dynamiques démographiques régionales qu’aux facteurs religieux (conversions, etc.).
Repères démographiques
Cinq ensembles religieux rassemblent l’immense majorité des croyants : les deux grandes religions d’Asie (hindouisme et bouddhisme) et les trois monothéismes inspirés de l’Ancien Testament (judaïsme, christianisme et islam). Si l’on peut localiser leurs origines géographiques (sous-continent indien pour les religions asiatiques, Proche-Orient pour les religions du Livre), ces religions se sont diffusées à l’échelle planétaire par le jeu des flux migratoires et des conversions, entraînant la diversification de leurs pratiques et leur scission en différents courants ou dénominations.
Troisième religion au plan démographique (environ 1 milliard de croyants ou 13,8 % de la population mondiale en 2010 selon le CIA World Factbook), l’hindouisme, dont les origines remontent au xv e siècle av. J.-C., est aussi l’une des plus anciennes encore pratiquées. Les hindouistes vivent en majorité dans le sous-continent indien (Inde et Népal), berceau de leurs traditions, mais la religion s’est étendue à d’autres continents à travers les conquêtes impériales (l’Asie du Sud-Est fut hindouisée à partir du iv e siècle), les transferts de population à l’ère coloniale (Suriname, île Maurice, Malaisie) ou des migrations plus récentes (Moyen-Orient et reste du monde).
Le bouddhisme, fondé en Inde vers le vi e siècle av. J.-C., était originellement considéré comme une secte hindouiste. Les estimations divergent quant au nombre exact de bouddhistes dans le monde, entre 200 millions et 1 milliard de pratiquants, les plus classiques tournant entre 400 et 500 millions. Cette fourchette s’explique par la présence de gouvernements limitant la liberté religieuse dans plusieurs pays de tradition bouddhiste (Chine, Corée du Nord, Vietnam, Laos) et par la popularité de cette religion dans les pays occidentaux. Le bouddhisme serait celle connaissant la plus forte croissance aux États-Unis et en Europe occidentale depuis les années 1990. Toutefois, sa pratique, souvent individuelle, n’est pas nécessairement recensée.
Bouddhistes et hindouistes, 2010
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Commentaire : Ces cartes utilisent une légende commune aux autres sur les religions en 2010 : les cercles montrent les effectifs des croyants et les dégradés leur part dans la population de chaque pays. Les bouddhistes se situent majoritairement en Asie, de l’Est en particulier (plus des trois quarts de la population en Thaïlande ou au Myanmar) ; les hindouistes se concentrent en Inde et au Népal. Pour ces deux religions, des effectifs modestes mais visibles montrent les diasporas asiatiques (Amérique du Nord, Golfe, Australie/Nouvelle-Zélande et Afrique du Sud).
Le judaïsme, premier-né des monothéismes, opère un lien étroit entre nation (les Juifs en tant que peuple) et religion (les juifs en tant que croyants), au fondement de l’État d’Israël (1948). Les estimations font part d’environ 13,75 millions de juifs répartis sur les cinq continents, chiffre intrinsèquement discutable puisque la définition de la judéité varie selon les courants (le judaïsme orthodoxe ne reconnaissant que la transmission matrilinéaire de la religion, tandis que des communautés libérales acceptent sa transmission par le père et les conversions). Le nombre de juifs a augmenté de deux millions depuis la Shoah, qui fit six millions de victimes parmi les neuf millions de juifs résidant en Europe avant la seconde guerre mondiale, mais diminue en proportion de la population mondiale car la majorité d’entre eux vivent dans des pays ayant achevé leur transition démographique. On compte ainsi 5,9 millions de juifs en Israël, seul État où ils sont majoritaires, mais davantage à l’étranger (5,4 millions aux États-Unis, 480 000 en France).
Juifs, 2010
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Commentaire : Cette carte utilise une légende commune aux autres sur les religions en 2010 : les cercles montrent les effectifs des croyants et les dégradés leur part dans la population de chaque pays. Les juifs sont (légèrement) plus nombreux aux États-Unis qu’en Israël mais ils y sont majoritaires dans le second et pèsent moins de 2 % de la population du premier. Des populations juives moins nombreuses sont présentes en Europe occidentale et orientale et, dans une moindre mesure, en Amérique du Sud.
Le christianisme désigne l’ensemble des religions suivant le message délivré par Jésus-Christ au premier siècle de notre ère. Toutes dénominations confondues, il compte environ 2,3 milliards de baptisés, soit près du tiers de la population mondiale, principalement répartis entre les Églises catholique romaine (16,8 % de la population), protestante (6,15 %, eux-mêmes répartis en de nombreuses dénominations) et orthodoxe (3,9 %). Majoritaires dans 126 pays, les religions chrétiennes prédominent en Europe, dans les Amériques et en Afrique subsaharienne, mais aussi dans certains pays d’Asie et d’Océanie. Si la pratique religieuse tend à décliner en Europe occidentale, le christianisme reste dynamique dans les Suds, notamment du fait de l’activité missionnaire des communautés pentecôtistes et charismatiques.
Chrétiens : catholiques, protestants et orthodoxes, 2010
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Commentaire : Ces cartes utilisent une légende commune aux autres sur les religions en 2010 : les cercles montrent les effectifs des croyants et les dégradés leur part dans la population de chaque pays. Les catholiques sont majoritaires et nombreux en Amérique latine, en Europe de l’Ouest et du Sud et, plus ponctuellement, aux Philippines, en Pologne ou en Irlande. Des effectifs importants se situent en Afrique et aux État-Unis. Les protestants sont davantage présents en Europe du Nord, aux États-Unis et en Afrique subsaharienne ; ils sont aussi présents en Amérique latine, en Europe et en Asie, mais y pèsent moins du quart de la population. Les orthodoxes se concentrent en Russie, en Europe de l’Est et dans les Balkans et, de manière plus isolée, en Éthiopie et en Érythrée.
L’islam, troisième monothéisme abrahamique, a été fondé au vii e siècle par Mahomet. On compte aujourd’hui environ 1,6 milliard de musulmans, soit 23 % de la population mondiale (CIA World Factbook), qui font de l’islam la deuxième religion mondiale en nombre de croyants mais aussi la plus dynamique du point de vue démographique. La religion musulmane est largement majoritaire parmi les populations du Moyen-Orient, son berceau historique, mais près des deux tiers des musulmans vivent en Asie. Dans le reste du monde, ils constituent des minorités importantes (l’islam est la seconde religion en Occident, avec environ 20 millions de musulmans dans l’Union européenne et 7 millions aux États-Unis).
Musulmans, 2010
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Commentaire : Cette carte utilise une légende commune aux autres sur les religions en 2010 : les cercles montrent les effectifs des croyants et les dégradés leur part dans la population de chaque pays. En part de la population, les musulmans sont nettement majoritaires dans le nord de l’Afrique, au Moyen-Orient et en Asie centrale, de même qu’au Pakistan, au Bangladesh et en Indonésie. En revanche, les effectifs les plus importants sont davantage asiatiques : Indonésie, sous-continent indien et, ensuite seulement, au Nigeria, en Égypte, en Iran et en Turquie.
Diversité interne des grands ensembles religieux
Alors que les groupes religieux sont généralement représentés de façon monolithique, leur expansion géographique s’est traduite par leur diversification, entraînant des effets de scission ou d’ hybridation avec des pratiques ou croyances locales – de la « javanisation » de l’islam indonésien à partir du xv e siècle à l’occidentalisation du bouddhisme en Europe ou aux États-Unis.
La capacité de syncrétisme de l’hindouisme qui, en l’absence de clergé centralisé, s’accommode des innovations théologiques et s’hybride avec les traditions locales, explique l’infinie diversité de croyances et de pratiques qui se côtoient en son sein. Au fil de l’extension spatiale de l’hindouisme sont apparues une multitude de sectes, qui se distinguent par les divinités auxquelles elles consacrent l’essentiel de leur culte et par la forme même des rites pratiqués.
Le bouddhisme s’est diffusé en Asie à travers deux principales écoles : la plus ancienne, celle du bouddhisme theravada (bouddhisme du petit véhicule), est principalement pratiquée en Asie du Sud-Est (Sri Lanka, Cambodge, Laos, Myanmar, Thaïlande), tandis que le bouddhisme mahayana (bouddhisme du grand véhicule) domine en Asie du Nord et de l’Est. Le bouddhisme mahayana reconnaît une plus grande diversité d’enseignements et de pratiques, adaptés aux spécificités culturelles de ses zones d’implantation (du bouddhisme tibétain au zen).
La diversification du judaïsme s’est opérée sur des bases géographiques, culturelles et doctrinales. Une distinction d’origine géographique et culturelle existe entre juifs ashkénazes (originaires des pays germaniques et slaves) et sépharades (originaires de la péninsule Ibérique puis du monde arabe), bien que cette frontière tende aujourd’hui à s’effacer. Différentes dénominations religieuses correspondent par ailleurs à des nuances de pratiques religieuses, établissant une distinction entre des conceptions orthodoxes et libérales du judaïsme.
L’histoire du christianisme a été marquée par deux divisions majeures, entérinées lors de conciles (ou synodes), grandes réunions de clercs cherchant à établir les règles de foi et de discipline communes sous formes de canons (lois) depuis le I er Concile de Nicée en 325. Après la séparation de 1054 entre Églises d’Orient (orthodoxe) et d’Occident (romaine), le second schisme a distingué l’Église catholique romaine des Églises protestantes issues de la Réforme au xvi e siècle, sous l’impulsion du moine allemand Martin Luther et du pasteur français Jean Calvin.
L’islam est également divisé en différentes dénominations. Les deux principales, chiisme et sunnisme, rassemblent plus de 95 % des musulmans. Leur distinction s’est opérée peu après l’assassinat du troisième calife, Othman, en 656. Largement majoritaires (80 à 90 % des musulmans), les sunnites sont eux-mêmes divisés en quatre écoles juridiques. Les chiites (10 à 20 %) quant à eux ne sont majoritaires qu’en Iran, à Bahrein et en Irak. D’autres branches chiites existent (ismaéliens, zaydites ou druzes), de même que des minorités ne se revendiquant ni du chiisme, ni du sunnisme (ibadites, mahdavites, ahmadis, etc.).
- blocs > Bloc
- Notion courante pour désigner l’ensemble des États rassemblés autour de l’un ou l’autre des deux pôles (États-Unis et URSS) pendant la guerre froide. Utilisée depuis pour parler des ensembles régionaux qualifiés de « blocs commerciaux ». Ce terme insiste sur les fermetures et affrontements sans rendre compte de la diversité interne aux ensembles ni de leur dynamisme.
- communauté > Communauté
- Selon le sociologue allemand Ferdinand Tönnies (1855-1936), la communauté (Gemein-schaft) s’oppose à la société (Gesellschaft) et désigne toute forme d’organisation sociale dans laquelle les individus sont liés entre eux par une solidarité, naturelle ou spontanée, et animés par des objectifs communs. Selon l’usage courant, il s’agit de toute collectivité sociale à laquelle on prête une unité, quel que soit son mode d’intégration (communauté internationale, Communauté européenne ou andine ou encore croyants de telle ou telle religion). Le terme ambigu de communauté internationale désigne un ensemble vague d’acteurs politiques (États, organisations internationales, ONG, individus, etc.) fondé sur l’idée d’une humanité unie par des valeurs et des objectifs communs ou une allégeance à des institutions politiques centrales, ce qui est loin d’être le cas.
- identités > Identité
- Notion ambiguë, plurielle, subjective, souvent instrumentalisée ou manipulée. Aucune identité n’est prédestinée ni naturelle, mieux vaut donc parler de construction identitaire, ou de processus de construction de représentations élaborées par un individu ou un groupe. Ces représentations ne sont ni stables ni permanentes et définissent l’individu ou le groupe à la fois par lui-même, par rapport ou en opposition aux autres, et par les autres. Les individus et les groupes en usent selon leurs intérêts et les contraintes propres à la situation dans laquelle ils se trouvent ; il s’agit donc d’une construction dans l’interaction. Cette combinaison d’appartenances, d’allégeances et de reconnaissance interne et externe est un processus complexe, plus ou moins conscient et contradictoire, toujours dans la combinaison et la recomposition.
- réseaux > Réseau
- La géographie classique a toujours survalorisé les surfaces, les territoires, les pays et les terroirs, mais l’analyse des réseaux est maintenant placée au cœur de sa démarche. Ils sont définis comme un espace où la distance est discontinue, et composés de nœuds reliés par des lignes. Ils sont soit matériels (réseaux de transport de personnes, de biens ou d’énergie, câbles informatiques et autoroutes de l’information), soit immatériels. Partiellement dématérialisés (internet par exemple), ils sont le fait aussi bien d’individus que d’organisations. Les philosophes (Gilles Deleuze et Félix Guattari), les sociologues (Manuel Castells), les politistes (James Rosenau) et les économistes utilisent ce concept pour analyser les logiques réticulaires de fonctionnement des individus.
- entrepreneurs identitaires > Entrepreneur politique
- Au sens de Max Weber, l’entrepreneur gère un groupe organisé disposant d’une direction administrative et poursuivant un but précis. L’entrepreneur identitaire ou religieux désigne ainsi tout agent mobilisant des symboles identitaires ou religieux au bénéfice de son capital politique, social, voire économique.
- choc des civilisations > Choc des civilisations
- Passée dans le vocabulaire courant, l’expression « choc des civilisations » a été popularisée par l’article publié en 1993 par Samuel Huntington, qui cherchait à identifier les nouvelles « lignes de fracture » mondiales à la suite de l’effondrement du bloc soviétique. La thèse de Huntington, fortement contestée en raison du caractère indéfini des « blocs civilisationnels » identifiés, était celle de l’émergence de blocs régionaux clivés autour de problématiques identitaires et d’une vision exclusivement culturaliste.
- États > État
- L’État est un système politique centralisé (différent du système féodal), différencié (de la société civile, espace public/privé), institutionnalisé (dépersonnalisation de l’institution), territorialisé (un territoire dont les frontières marquent de manière absolue les limites de sa compétence), qui prétend à la souveraineté (détention du pouvoir ultime) et se doit d’assurer la sécurité de sa population. En droit international public, l’État se définit par une population qui vit sur un territoire borné par des frontières sous l’autorité d’un pouvoir politique (État national territorial).
- impériales > Impérialisme
- Désignant initialement une stratégie ou une doctrine politique d’expansion coloniale, l’impérialisme instaure un rapport de domination politique, économique ou culturelle d’un État sur un ou plusieurs autres. De manière plus récente, il concerne également la domination économique, culturelle ou juridique d’un acteur international (éventuellement non étatique) sur un autre (rapports Nord-Sud, hégémonie culturelle, etc.). Cette notion est notamment utilisée par les analystes marxistes, pour lesquels l’impérialisme est lié au mode de production capitaliste.
- nation > Nation
- Communauté politique fondée sur la conscience de caractéristiques partagées et/ou d’une volonté de vivre ensemble. On oppose habituellement une conception politique et une conception culturelle de la nation, qui, dans la pratique, s’influencent mutuellement et tendent à se rapprocher. Dans la conception politique, la nation est inventée et produite par un État, le territoire précède la nation et en dessine les contours (conception dite française, fondée sur le creuset républicain et le droit du sol). Dans l’acceptation culturelle de la nation, une culture communément partagée produit la nation. Le projet national consiste à rassembler cette population sur un même territoire (conception culturelle ou romantique ou « allemande » de la nation, fondée sur le droit du sang). Cette conception est en soi porteuse de conflits et peut conduire à l’épuration ethnique ou au génocide (Allemagne nazie, Grande Serbie, etc.).
- libérales > Libéralisme
- Issu de la philosophie des Lumières, le libéralisme désigne un corpus de philosophie politique plaçant la préservation des droits individuels au centre de sa conception de la société et de l’ordre politique. En découlent, d’une part, des mécanismes de protection de l’individu face aux risques d’arbitraire étatique, lesquels se traduisent la plupart du temps par la préférence pour un ordre politique démocratique ; d’autre part, l’importance accordée au respect de la propriété privée, dont découle la préférence pour une implication minimale de l’État dans l’économie et son repli sur la sphère régalienne. Derrière ce consensus, il existe de nombreux débats quant au degré d’implication de l’État dans l’économie, la protection des individus ou celle d’un ordre politique et de normes sociales données, qui se traduisent par différentes déclinaisons du libéralisme (courants ordo-libéraux à l’allemande, libertariens ou encore libéraux-conservateurs).
- minorités > Minorité
- Tout groupe social qui, dans une société donnée, se trouve en situation d’infériorité par rapport à un groupe dominant. Cette situation s’exprime de façon quantitative, mais se définit aussi par référence à des données qualitatives de nature culturelle (minorités linguistiques, religieuses, ethniques, nationales, voire sociales). L’appartenance à une minorité peut faire l’objet d’une auto-identification, d’une assignation identitaire, de différents types de discriminations. Elle peut déboucher sur des politiques d’ingénierie sociale, de discrimination positive ou négative, ou encore des demandes de protection et de reconnaissance.
- hybridation > Hybridation
- Croisement entre deux variétés d’une même espèce, l’hybridation renvoie par extension à la formation de tout système politique, religieux, institutionnel, économique, culturel, etc., synthétisant différentes influences.
- syncrétisme > Syncrétisme religieux
- Agrégation de différents cultes, doctrines ou croyances, pouvant déboucher sur des croyances ou pratiques sui generis. Le syncrétisme peut être le produit d’une volonté explicite de fusion religieuse (ce fut par exemple le cas de la « religion de lumière » imaginée par l’empereur moghol Akbar au xvie siècle) mais il peut aussi résulter de l’hybridation progressive entre une nouvelle influence religieuse et celle(s) qui lui pré-existai(en)t ou encore de la rencontre entre des croyances et pratiques présentes en un même lieu (le kejawen ou javanisme, pratiqué en Indonésie, amalgame ainsi des traditions hindo-bouddhistes, animistes, islamiques voire chrétiennes, selon les lieux et les communautés qui le pratiquent).
- culturelles > Culture
- Ce qui distingue l’existence humaine de l’état de nature, c’est-à-dire les processus par lesquels l’homme utilise et développe ses capacités intellectuelles. Selon Clifford Geertz (1973), la culture est un système de significations communément partagées par les membres d’une collectivité sociale, qui en font usage dans leurs interactions. Les cultures ne sont donc pas figées, elles se transforment au gré des pratiques sociales et sont à la fois porteuses de logiques d’inclusion et d’exclusion. Le culturalisme est une conception qui considère que les croyances supposées collectives et les appartenances à telle ou telle culture prédéterminent les comportements sociaux.