Pauvreté et dégradation environnementale
Entre États comme à l’intérieur de leurs frontières, « là où l’on trouve des inégalités sociales, on trouve également des inégalités environnementales et sanitaires » (selon David N. Pellow et Robert J. Brulle). Durant les années 1980, un mouvement de justice environnementale a signalé l’exposition déséquilibrée de certains groupes ethniques et des populations défavorisées aux externalités et aux dangers environnementaux aux États-Unis. Alors que les infrastructures de traitement des déchets et de transport, nuisibles pour la santé sont implantées dans les quartiers défavorisés des pays développés, ces derniers exportent leurs déchets au Sud au détriment des populations locales. En 2006, le navire Probo Koala a déversé des déchets toxiques en provenance d’Europe dans le port d’Abidjan, provoquant des émanations de gaz mortels qui ont fait, selon l’ONU, 15 victimes et affecté plus de 100 000 personnes.
Les coûts environnementaux de la production et de l’extraction des ressources primaires sont aussi à la charge des pays du Sud qui les exportent. Les populations les plus vulnérables font face à une exposition disproportionnée aux conséquences des changements climatiques, en particulier dans un contexte d’urbanisation et de marginalisation des petits agriculteurs dans l’économie de marché mondialisée.
La responsabilité peut aussi être stratégiquement inversée. Par exemple, en Haïti, en considérant le charbon de bois comme la cause principale de la déforestation du pays, les acteurs politiques nationaux et internationaux tendent à rejeter la faute sur les personnes qui utilisent et vendent le charbon, ignorant les causes historiques et structurelles, les politiques économiques et les relations de pouvoir qui sont à l’œuvre. C’est un autre exemple de criminalisation de l’utilisation des arbres par les pauvres, systématique tout au long du xx e siècle.
À l’inverse, les travaux de Joan Martinez-Alier sur l’ environnementalisme des pauvres ont montré leur rôle dans la préservation de la nature face aux firmes privées et aux États auxquels ils s’opposent dans des conflits autour de l’extraction des ressources notamment.
Commentaire : Cette carte montre les flux de déchets enregistrés au titre du commerce international. Ainsi, les flux locaux, régionaux ou internes aux pays ainsi que les trafics illicites ou les décharges sauvages ne sont pas recensés. À l’exception d’importants flux entre pays européens, les principaux producteurs de déchets (Amérique du Nord, Europe et dans une moindre mesure Asie) envoient l’immense majorité de leurs déchets en Chine et à Hong Kong.
- inégalités > Inégalité
- Répartition inégale des biens, matériels et/ou immatériels, considérés comme nécessaires ou désirables. Outre les inégalités de revenus (internes, internationales et mondiales), les inégalités, cumulatives, se mesurent également en matière d’accès aux services publics (accès à la santé, à l’éducation, à l’emploi, à un logement, à la justice, à une sécurité effective, etc.), à la propriété et plus largement aux ressources naturelles, ainsi qu’en matière d’expression politique ou de capacité de réaction face au risque écologique. Lorsque ces inégalités se fondent sur des critères prohibés par la loi, elles constituent des discriminations.
- justice environnementale > Justice environnementale
- La notion de justice environnementale repose sur le constat que les populations pauvres et minoritaires sont exposées de manière disproportionnée aux risques environnementaux et aux effets néfastes des dégradations environnementales (pollution urbaine, conséquences des changements climatiques, etc.). Elle implique une reconnaissance des droits environnementaux, notamment en termes de participation, de chaque individu. Dans le contexte des changements climatiques, la justice climatique renvoie à l’équité intragénérationnelle, en particulier entre les pays développés et les pays en développement, et à l’équité intergénérationnelle considérant les actions, droits et besoins des générations actuelles et futures.
- ethniques > Ethnie
- L’ethnie est une catégorie descriptive apparue à la fin du xixe siècle, construite par les anthropologues et diffusée par les administrateurs coloniaux. Contrairement à la race, elle ne fait pas référence à des critères biologiques mais désigne un groupe d’individus ayant la même origine, la même tradition culturelle, et dont l’unité s’appuie sur la langue, l’histoire, le territoire, les croyances et la conscience d’appartenir au groupe ethnique. Prétendue naturelle, l’ethnie est pourtant un construit social, subi ou revendiqué, à la fois arbitraire et évolutif. Posée comme identité exclusive, elle devient un instrument de mobilisation politique d’autant plus puissant que l’État est en difficulté. L’ethnocentrisme consiste à ne lire le monde qu’à travers sa propre culture et à vouloir imposer cette interprétation.
- pays développés > Pays développé
- Lors de son discours d’investiture de 1949, le président des États-Unis Harry S. Truman dessine, dans son 4e point, les contours d’un programme d’aide aux « pays sous-développés ». Cette expression désigne l’ensemble des pays considérés comme « en retard » par rapport à ce qui devient désormais un modèle à atteindre : celui des pays développés, industrialisés, dont la croissance est alors plus forte et le niveau de vie plus élevé. Pays sous-développés, en voie de développement, ou en développement (selon l’évolution de la terminologie), pays développés, aucune expression ne vient modifier la perspective linéaire et évolutionniste de cette vision, ni nuancer le caractère homogénéisant et réifiant de ces ensembles.
- Sud
- Voir Nord et Sud
- coûts environnementaux > Coûts environnementaux
- Les coûts environnementaux, ou externalités environnementales, correspondent aux coûts des conséquences environnementales de la production et extraction des ressources primaires (pollution, épuisement des sols, contribution aux changements climatiques, etc.). Parfois difficiles à calculer, les coûts de la détérioration de l’environnement ne sont pas inclus dans le calcul des ressources primaires et de leurs dérivés, qui sont donc sous-évalués. On observe une distribution inégale des coûts environnementaux de production des ressources primaires entre les pays du Sud, exportateurs, et les pays du Nord, importateurs.
- changements climatiques > Changements climatiques
- L’ONU définit les changements climatiques comme « des changements de climat qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables » (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques [CCNUCC], 1992). L’expression est utilisée pour décrire le réchauffement global à la surface de la Terre dont l’ampleur et la rapidité sont sans précédent dans l’histoire de la planète, et qui est le résultat de l’augmentation des émissions anthropiques de gaz à effet de serre (principalement dioxyde de carbone ou CO2, mais aussi méthane, protoxyde d’azote, perfluorocarbones, hydrofluorocarbones et hexafluorure de soufre).
- déforestation > Déforestation
- La déforestation résulte de l’exploitation des ressources en bois (planches, papier, fibres, production de charbon de bois, etc.) et des coupes d’arbres en vue d’utiliser le sol pour d’autres activités. Elle est souvent pratiquée pour remplacer la forêt par différentes formes d’exploitation agricole (monocultures, productions fourragères, etc.) ou le développement d’infrastructures. Jusqu’au milieu du xxe siècle, elle concernait principalement les forêts tempérées, puis s’est étendue aux forêts tropicales. Depuis les années 1990, les acteurs du secteur privé ont remplacé les États en tant que principaux responsables de la déforestation. En 5 000 ans, 1,8 milliard d’hectares de forêts ont disparu.
- environnementalisme des pauvres > Environnementalisme des pauvres
- Mis en évidence dans les travaux de l’économiste Joan Martinez Alier, l’environnementalisme des pauvres comprend l’ensemble des manœuvres de défense de l’environnement conduites, en milieu rural ou urbain, par des populations en situation précaire. Les pauvres, c’est-à-dire les personnes les plus défavorisées qui constituent une majorité dans les pays du Sud et une minorité marginalisée dans les pays du Nord, participent ainsi à la protection des écosystèmes en tentant de préserver leur moyen de subsistance.
- conflits > Guerre
- Affrontement violent entre groupes armés sur des valeurs, des statuts, des pouvoirs ou des ressources rares, et dans lequel le but de chacun est de neutraliser, d’affaiblir ou d’éliminer ses adversaires. Cette violence armée collective organisée peut être le fait d’États (via leurs armées nationales) ou de groupes non étatiques ; elle peut opposer plusieurs États (guerre interétatique) ou se dérouler à l’intérieur d’un État (guerre civile). Progressivement codifiées et encadrées par le droit, les premières sont devenues rares, tandis que les secondes, aujourd’hui essentiellement causées par la défaillance institutionnelle des États, tendent à s’internationaliser, à perdurer (parfois des décennies) et à être extrêmement meurtrières, surtout pour les populations civiles.