Malédiction des ressources
La présence de ressources naturelles est souvent perçue comme un moteur de développement pour un pays donné. Des études empiriques tendent néanmoins à montrer que les pays riches en ressources naturelles accusent au contraire des retards de développement par rapport à ceux qui en seraient moins dotés. Ce paradoxe de l’abondance s’explique tant par des raisons économiques que politiques.
La « maladie hollandaise », identifiée aux Pays-Bas après la découverte de gisements de gaz durant les années 1970, décrit un mécanisme économique dorénavant bien compris : lorsqu’un pays exporte ses ressources extractives (en général contre des dollars), le taux de change réel de la monnaie locale s’apprécie, rendant les productions industrielle et agricole non compétitives. Si rien n’est fait pour y remédier, ces secteurs tendent à disparaître et le pays se retrouve en situation de dépendance complète vis-à-vis des exportations de matières premières, alors même que le secteur extractif est une enclave économique exigeant de gros investissements mais procurant peu d’emplois. Certes, des États avec des populations réduites comme le Qatar et le Koweït ont démontré leur capacité à se développer grâce à leur rente. Mais la situation peut s’inverser dans des pays plus peuplés comme le Nigeria et le Venezuela, où la rente ne profite qu’à l’oligarchie au pouvoir tandis que la population subit un taux de chômage élevé à la suite de la disparition des activités industrielles et agricoles et ne perçoit rien des profits engendrés par l’extraction.
Autre conséquence, politique cette fois : grâce aux revenus pétroliers, un gouvernement peut se financer sans devoir taxer les activités économiques du pays, ce qui le dispense de chercher à assurer sa légitimité vis-à-vis de sa population et lui permet de survivre même si l’économie nationale s’est effondrée.
Il n’existe pourtant pas de fatalité et de nombreux pays (Norvège, Botswana, etc.) ont montré que les ressources extractives pouvaient servir le développement économique. Le problème n’est pas l’abondance de ressources en soi, mais la manière dont elles sont gérées. Ce qui est crucial, c’est l’existence, ou non, d’un État fonctionnel, doté d’institutions capables de définir et de mettre en œuvre des politiques permettant de neutraliser la tendance à la déstructuration de l’économie et du système politique des pays producteurs, et d’organiser un système de redistribution des revenus qui profite au plus grand nombre.