L’avortement, un marqueur d’inégalités multiples
Même si les grossesses non désirées diminuent globalement, un quart des grossesses est interrompu chaque année par un avortement (56 millions sur un total de 224 millions) selon l’ OMS. Près de la moitié présentent des risques lourds (infections, hémorragies, lésions, décès), aussi l’organisation internationale prône-t-elle la sécurisation des avortements selon des méthodes adaptées et pratiquées par un personnel qualifié. Elle encourage également les États à respecter les engagements des ODD (objectifs de développement durable) sur l’accès aux services de santé sexuelle et procréative (cible 3.7) et rappelle, au nom des droits humains, l’obligation de soins en cas de complications d’un avortement clandestin.
Les législations sur le droit à l’avortement sont diverses et évolutives (dépénalisation ou repénalisation), et les interdits non seulement ne réduisent pas le nombre d’avortements mais encore en augmentent le danger. Un peu plus d’un tiers des États autorisent l’avortement sans aucune restriction légale (même s’il peut en exister de fait : conditions concrètes d’accès, de délais, etc.), d’autres le criminalisent (pour la femme et le personnel médical) avec interdiction totale ou partielle (sauf mise en danger de la vie de la mère, de viol, d’inceste, de malformation du fœtus). Avec la montée des partis conservateurs réapparaissent des campagnes de remises en question (Pologne et États-Unis où la législation dépend de chaque État fédéré), mais en mai 2018, les Irlandais ont massivement approuvé par référendum l’abrogation de l’interdiction constitutionnelle de l’avortement. La légalisation à elle seule ne suffit pas à permettre aux femmes de choisir de donner la vie dans de bonnes conditions.
Commentaire : La base de données en libre accès sur les politiques des États en matière d’avortement de l’Organisation mondiale de la santé propose de très nombreux critères (de droit, de services de santé et d’acteurs impliqués) et vise à accroître la transparence, la responsabilité et le respect des droits des femmes à l’appui de ses programmes d’élimination des avortements à risque. Seuls quelques critères ont été sélectionnés ici, qui montrent globalement un contraste Nord-Sud, avec dans chaque région de notables exceptions.
Des politiques de santé maternelle indigentes, l’absence d’éducation sexuelle, d’accès aux méthodes de contraception et, plus généralement, de planning familial sont les premières causes de grossesses non désirées, fréquentes chez les adolescentes pauvres. Enfin, dans certaines parties du monde, la persistance d’une préférence pour les garçons entraîne des avortements sélectifs des filles que, même s’ils sont illégaux, la diffusion de l’échographie a permis de systématiser (notamment en Inde et en Chine).
- ODD > Objectifs du Millénaire pour le développement
- En 2000, les États membres de l’ONU ont adopté les huit OMD portant sur l’élimination de l’extrême pauvreté et sur les grands enjeux humanitaires (faim, accès à l’éducation et à la santé, égalité des sexes, etc.) dans les pays du Sud à l’horizon 2015. Ils ont été très inégalement remplis et ont soulevé différentes critiques : absence d’objectifs pour les droits humains, manque de participation de la société civile dans leurs négociations, objectifs concernant uniquement les pays du Sud. Les ODD leur ont succédé en 2015 répondant en partie à ces critiques. Composés de 17 objectifs et de 169 cibles s’adressant à tous les pays à l’horizon 2030, ils recouvrent de nombreux secteurs : pauvreté, faim, santé, éducation, égalité des sexes, justice sociale, infrastructures, environnement, climat, etc.
- viol > Viol
- Le viol est une forme de criminalité qui utilise la sexualité humaine (sous toutes ses formes) comme outil de torture et de destruction de l’intégrité physique et identitaire de la victime, sans inclure forcément la mort. Ses conséquences perdurent dans le temps (grossesses, maladies, fardeau psychologique, stigmatisation sociale et/ou familiale). Les violences sexuelles introduisent une dissymétrie liée aux conditions de la reproduction humaine, puisque seules les femmes violées peuvent tomber enceintes. Le viol est une forme de violence extrême et un crime de profanation pour la personne sociale et morale concernée (destruction de l’honneur de la famille dans certaines cultures, sentiments de honte des victimes). Depuis les années 1990, l’utilisation du viol systématique comme arme de guerre est reconnue.
- fédéré > Fédéralisme
- À l’échelle nationale, le fédéralisme est un mode de gouvernement accordant une forte autonomie aux communautés politiques fédérées en son sein. La répartition des compétences entre le niveau fédéral et le niveau fédéré de gouvernement, strictement définie dans les principes, reste souvent modulable dans la pratique (paradiplomatie des provinces québécoises, des Länder allemands, des cantons suisses ou des États du Brésil). À l’échelle internationale, le modèle fédéral est défendu au sein de l’Union européenne par les partisans d’une intégration politique plus forte et plus aboutie, par opposition aux défenseurs du modèle souverainiste, davantage intergouvernemental et interétatique.