Chercheurs sans frontières ?
La recherche s’internationalise avec l’accélération de la communication scientifique entre chercheurs (revues en ligne, communautés virtuelles, co-publications, colloques internationaux) et l’essor des migrations de travailleurs qualifiés, en particulier dans les secteurs de l’enseignement, de la santé et de l’informatique. L’exode de chercheurs de pays du Sud vers les pays développés, longtemps considéré comme une catastrophe (brain drain), est aujourd’hui partiellement réévalué par la prise en compte des transferts de connaissances et de compétences lors des retours réguliers ou définitifs des migrants (brain gain) et par la possibilité de capter des investissements directs étrangers (IDE). Le marché mondial des compétences s’effectue cependant au détriment des sociétés les plus pauvres du Sud et au bénéfice des grandes firmes globales.
Le volume des publications scientifiques a doublé entre 2000 et 2015 pour atteindre 1,8 million par an. Cette inflation bibliométrique bouleverse autant le classement des pays que l’évolution intrinsèque des disciplines. Seuls trois pays historiquement intensifs en recherche maintiennent leur position (États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne), tandis que de nombreux autres reculent (Japon, France, Italie, Canada, Espagne, Australie, Russie, Pays-Bas) face à la progression des pays émergents (Chine, Inde, Corée du Sud, Brésil, Turquie, Iran).
Le nombre de co-publications entre chercheurs de différentes institutions a triplé entre 2000 et 2015, alors que celui des publications signées par une seule institution a eu tendance à stagner, voire à diminuer.
Les co-publications internationales ont également fortement augmenté, leur part passant de 15 % à 23 % des publications entre 2000 et 2015. Les collaborations scientifiques internationales sont les plus développées en physique (notamment en physique des particules), en sciences de l’univers, en recherche médicale et en biologie fondamentale en raison de l’accès à des équipements mutualisés de recherche (notamment en Europe).
Commentaire : Le nombre de publications scientifiques est considéré comme un indicateur du dynamisme de la recherche scientifique des acteurs (universités, laboratoires, entreprises, etc.). Ces courbes montrent les 20 premiers États entre 2000 et 2015. Les États-Unis publient le plus, et tout au long de la période, mais la Chine les rattrape : elle a multiplié son total par 10 en 15 ans, s’approchant de 300 000. Les États suivants en produisent nettement moins ; les émergents (Inde, Brésil, Iran, etc.) présentent une croissance supérieure à celle des États dits « du Nord ».
- migrations > Migrant
- Déplacement d’individus quittant durablement leur pays (émigration) pour se rendre dans un autre pays (immigration), de façon volontaire ou forcée (guerre, pauvreté, chômage, atteinte aux droits humains, conditions climatiques, etc.), et souvent en séjournant de façon plus ou moins temporaire dans différents pays dits de transit. Inhérents à l’histoire de l’humanité, les processus migratoires suscitent la mise en place de différents dispositifs de politiques publiques liés au contexte politique, économique et culturel ainsi qu’à la conception de la nationalité. Les États d’accueil s’efforcent d’organiser, parfois d’attirer (besoin de main-d’œuvre, exploitation de certains territoires, naturalisations, etc.), et plus souvent de restreindre l’immigration (contrôle aux frontières, quotas, titres de séjour, etc.). Les États de départ tentent, dans la plupart des cas, de maintenir des relations avec les nationaux et communautés diasporiques installées à l’étranger.
- Sud
- Voir Nord et Sud
- pays développés > Pays développé
- Lors de son discours d’investiture de 1949, le président des États-Unis Harry S. Truman dessine, dans son 4e point, les contours d’un programme d’aide aux « pays sous-développés ». Cette expression désigne l’ensemble des pays considérés comme « en retard » par rapport à ce qui devient désormais un modèle à atteindre : celui des pays développés, industrialisés, dont la croissance est alors plus forte et le niveau de vie plus élevé. Pays sous-développés, en voie de développement, ou en développement (selon l’évolution de la terminologie), pays développés, aucune expression ne vient modifier la perspective linéaire et évolutionniste de cette vision, ni nuancer le caractère homogénéisant et réifiant de ces ensembles.
- brain drain > Brain drain
- La dégradation des universités publiques dans les pays du Sud, conséquence de politiques publiques défaillantes, de l’arrivée de classes d’âge très nombreuses et de l’attractivité des universités du Nord, incite les étudiants du Sud à migrer pour leurs études. Ils peuvent ensuite s’insérer dans le marché du travail du pays où ils ont étudié ou ailleurs, dans un pays du Nord. Cette fuite des cerveaux (médecins, enseignants, chercheurs, ingénieurs, techniciens, etc.), longtemps considérée comme un préjudice et une fatalité pour les pays d’origine, est cependant à reconsidérer. On lui oppose aujourd’hui la notion de brain gain (gain de compétences), fondée sur l’idée que des individus bien formés contribuent à la circulation des savoirs par leurs retours, définitifs ou intermittents, au pays d’origine et que, de plus, ils envoient des remises importantes.
- IDE > Investissement direct à l’étranger
- Tout investissement motivé par la volonté d’une entreprise d’acquérir un intérêt durable (participation supérieure à 10 % des droits de vote) et une influence significative dans la gestion d’une entreprise résidant dans un autre pays. Cette opération, impliquant une relation à long terme (à l’inverse des investissements dits « spéculatifs »), peut se faire par la création d’une entreprise nouvelle ou, plus généralement, par la prise de contrôle de tout ou partie d’une entreprise existante par le biais d’achats et de fusions. Les IDE, dont la majorité concerne des flux Nord-Nord, sont à la base de la mondialisation des firmes multinationales.
- Sud
- Voir Nord et Sud
- firmes globales > Firme multinationale
- Entreprise ayant réalisé des investissements directs à l’étranger (IDE) lui permettant de posséder des implantations qu’elle contrôle entièrement ou partiellement (des filiales). Les premières datent de la fin du xixe siècle ; elles se sont généralisées au début du xxie siècle. La majorité des IDE se font entre pays industrialisés. Plus que multinationales, ces entreprises sont transnationales et ont tendance, pour les plus importantes, à se transformer en entreprises-réseaux globales.