Un monde mobile
Guichet mobile Western Union à Pattaya, Thaïlande, 24 mars 2017
Crédit : John And Penny / Shutterstock
Guichet mobile Western Union à Pattaya, Thaïlande, 24 mars 2017.
Les « remises » ou fruit de leur épargne que les migrants envoient régulièrement dans leur pays d'origine représentent un volume trois fois supérieur à l'aide au développement. Des entreprises se sont spécialisées dans ces transferts de fonds de particuliers à particuliers dans le monde. La firme multinationale américaine Western Union a ainsi déployé un réseau mondial de transferts d'argent internationaux, selon des formes adaptées à chaque type de population et dans plus de 100 monnaies différentes (500 000 agences physiques, 100 000 guichets automatiques -dont certains mobiles comme ici-, transfert par internet, par téléphone, etc.).
Résumé
L’augmentation du nombre de migrants, la diversification de leurs origines, de leurs profils et des causes de leur départ excluent toute explication simple. Les réseaux transnationaux des migrations de travail sont un moyen de lutte contre la pauvreté. Ils drainent des fonds largement supérieurs à ceux de l’aide au développement et sous-tendent le changement social et l’hybridation des sociétés.
En 2017, les migrants sont 258 millions dans le monde, soit 3,4 % de la population mondiale, ce qui représente une augmentation de 50 % depuis 2000. Par migrations, on entend tous les types de mouvements de population impliquant un changement du lieu de résidence, quelles qu’en soient la cause, la distance et la durée. En 2017, 65,3 millions de personnes ont quitté leur pays, dont 21,3 millions sont des réfugiés (parmi lesquels plus de la moitié a moins de 18 ans) contraints au départ par les conflits et les persécutions et protégés par le droit international. Ceux qui n’ont pu fuir au-delà des frontières sont considérés comme des déplacés, qui continuent à relever de la protection de leur État souverain. Quant aux migrants environnementaux, ils restent encore mal définis et peu protégés. Si les migrations de travailleurs internes aux États peuvent être massives comme en Chine, les migrations internationales de travailleurs sont les plus importantes. Qu’ils soient légaux ou clandestins, qualifiés ou non qualifiés, hommes, femmes ou jeunes, permanents ou pendulaires, ces migrants économiques dépendent de la législation de chaque État d’accueil.
Commentaire : Ce diagramme présente plus d’un demi-siècle de flux migratoires, par grandes régions de départ, en identifiant les départs vers d’autres pays de la région ou vers d’autres régions du monde. Le pas de temps de cinq années permet de voir l’irrégularité des courbes, témoignant de la soudaineté et de l’importance de certains mouvements (crises politiques, économiques, conflits). En Afrique, Europe et ex-URSS, les flux intra-régionaux sont plus importants ou proches du nombre des départs hors de la région. En Amérique latine et Caraïbes et en Amérique du Nord, les départs hors de la région sont largement dominants et dans une moindre mesure en Asie du Sud-Est. Le sous-continent indien et le Moyen-Orient (bien qu’avec des effectifs très différents) montrent une rupture spectaculaire, vers l’extérieur de la région à partir de 1990 pour la première et au contraire vers l’intérieur de la région à partir de 2000 pour la seconde.
Contrairement aux idées reçues, les migrations Sud/Sud sont légèrement supérieures aux migrations Sud / Nord (plus de 85 % des migrations africaines sont intracontinentales) et de grands ensembles migratoires structurent les flux de l’Amérique du Sud vers l’Amérique du Nord, de l’Asie de l’Ouest vers les pays du Golfe et du monde entier vers l’Europe, fondés sur des liens anciens (ex- colonies, diaspora, langue, etc.), la proximité spatiale et/ou un besoin de main-d’œuvre.
Commentaire : Bien que les données soient regroupées par grandes régions (sauf trois pays qui ont été isolés : Syrie, Inde et Mexique), cette carte montre à quel point la circulation des individus, au cours des cinq dernières années, est un phénomène généralisé, et ce, malgré les obstacles qu’ils peuvent rencontrer. L’Amérique du Nord se caractérise par des flux très importants, venant du monde, tout comme l’Europe, mais qui connaît aussi des départs vers le monde et de fortes migrations internes. La principale destination des Africains reste l’Europe, mais les mouvement internes équivalent les départs vers les autres régions. Les flux d’Amérique du Sud, des Caraïbes et du Mexique convergent vers les États-Unis, ceux du sous-continent indien et de l’Inde vers les pays du Golfe et la fuite massive de Syriens concerne d’abord le Moyen-Orient.
Migrations de travail
Si la décision de migrer reste individuelle, elle s’inscrit dans le contexte mondial des inégalités économiques croissantes d’une économie de marché mondialisée, des déséquilibres démographiques, du mal- développement et des crises politiques des États postcoloniaux. La combinaison de ces facteurs alimente en permanence le désir et le besoin de migration des individus vers un ailleurs où un avenir pourrait être construit. En s’agrégeant, ces choix individuels coûteux et dangereux constituent ou renforcent des filières familiales, villageoises ou communautaires.
Palliatif aux échecs du développement, les remises des migrants vers leurs pays d’origine sont le fruit d’une épargne méthodique qui représente un volume trois fois supérieur à l’ aide publique au développement.
Commentaire : Transnationales et échappant en partie aux circuits réguliers de transferts d’argent pour éviter les coûts de transaction élevés, les remises des migrants restent encore difficiles à évaluer. La Banque mondiale publie annuellement une série de données sur les envois des migrants et des diasporas de deuxième génération. La carte, en comparant les remises perçues et leur part dans le PIB, met en évidence leur importance vitale dans les pays les plus pauvres.
À travers ces réseaux transnationaux familiaux, économiques et culturels, circulent à la fois les subsides nécessaires à ceux qui restent pour se nourrir, se soigner et scolariser les enfants et des savoirs et savoir-faire porteurs de profonds changements sociaux. Passeurs et bâtisseurs, les migrants prennent en charge collectivement la création des équipements de base que les États n’assurent pas. Pour autant, le développement ainsi amorcé n’implique pas la diminution des flux migratoires mais, au contraire, stimule les mobilités, notamment des plus qualifiés.
Contingentement ou gouvernance ?
Phénomène transnational massif reliant lieux et sociétés, les migrations économiques sont au cœur des tensions entre les logiques de fluidité d’acteurs non étatiques et les rigidités des souverainetés étatiques territoriales. Alors qu’aucun des facteurs de mobilité ne tend à s’atténuer, les réponses des États du Nord prônent toutes la restriction de ces flux. Le contingentement qu’ils organisent crée cependant plus de problèmes qu’il n’en résout. Refus de visas, murs, gardes-côtes, fermeture des ports et camps de rétention signifient la fin des circulations et parachèvent le processus, amorcé au cours des années 1970, de territorialisation de migrants précaires dans des sociétés qui les avaient pensés comme de passage. Cette clôture spatiale a non seulement posé la question de l’ intégration mais aussi suscité l’afflux de clandestins et la création d’une économie mafieuse de trafic de personnes. Les coûts considérables de contrôles n’ont pas fait sensiblement diminuer les flux, tout au plus ont-ils changé de trajectoires, et les migrants prennent toujours plus de risques pour tenter d’améliorer leur sort et celui de leur famille. La priorité sécuritaire a ouvert un espace à la stigmatisation des acteurs engagés dans l’aide humanitaire en faveur des migrants sans répondre aux peurs (de perte d’emploi, d’ identité, de sécurité, etc.), cultivées et instrumentalisées par les populismes xénophobes, notamment à destination des populations les plus fragilisées par les crises économiques. La criminalisation des mobilités, doublée d’une ethnicisation et de phobies culturelles et religieuses, sape dangereusement les fondements démocratiques des pays d’accueil et bloque tout débat sur la mobilité, la transnationalité et l’ altérité.
Commentaire : La base de données des Nations unies estime (à partir des données nationales et d’estimations calculées) le stock de migrants internationaux (population du pays née à l’étranger et, à défaut, population détenant une citoyenneté étrangère) présents dans chaque pays en 2017 rapporté à la population totale du pays à la même date. Ce nombre peut être sous-estimé, les nouveaux résidents au statut juridique incertain n’étant pas recensés. L’amplitude de la série montre la très grande variété de situations (de 0,1 % pour la Chine, le Vietnam, Cuba, l’Indonésie, Madagascar et Myanmar, à 88 % aux Émirats arabes unis).
Devant cette impasse, l’association de l’ensemble des acteurs publics et privés à l’échelle mondiale est indispensable pour la construction de mesures partagées d’accompagnement. Malgré une amélioration de la connaissance et de la quantification des migrations, l’émiettement perdure entre les initiatives des organisations internationales (Organisation internationale pour les migrations, Organisation internationale du travail, Banque mondiale, Office des Nations unies contre la drogue et le crime, etc.). Dix ans séparent le rapport du Secrétaire général de l’ONU de 2006, qui soulignait la nécessité de construire cette gouvernance, de la Déclaration de New York de 2016, qui a mis sur l’agenda l’adoption pour fin 2018 d’un Pacte mondial pour les migrations.
- réfugiés > Réfugié
- Personne se trouvant à l’extérieur de son pays et à qui le pays dans lequel elle se trouve a reconnu le statut de réfugié tel que défini dans la Convention de Genève de 1951, qui accorde la protection et l’assistance du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à toute personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, et qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». Ce terme ne doit pas être confondu avec celui de demandeur d’asile, correspondant aux personnes ayant fui leur pays et ayant déposé auprès des autorités du pays d’accueil ou du HCR une demande d’asile afin de bénéficier du statut de réfugié. Un réfugié a donc été demandeur d’asile mais tous les demandeurs d’asile ne voient pas leur demande acceptée (ces déboutés du droit d’asile doivent alors quitter le territoire).
- conflits > Guerre
- Affrontement violent entre groupes armés sur des valeurs, des statuts, des pouvoirs ou des ressources rares, et dans lequel le but de chacun est de neutraliser, d’affaiblir ou d’éliminer ses adversaires. Cette violence armée collective organisée peut être le fait d’États (via leurs armées nationales) ou de groupes non étatiques ; elle peut opposer plusieurs États (guerre interétatique) ou se dérouler à l’intérieur d’un État (guerre civile). Progressivement codifiées et encadrées par le droit, les premières sont devenues rares, tandis que les secondes, aujourd’hui essentiellement causées par la défaillance institutionnelle des États, tendent à s’internationaliser, à perdurer (parfois des décennies) et à être extrêmement meurtrières, surtout pour les populations civiles.
- frontières > Frontière
- Ligne au-delà de laquelle cesse la souveraineté étatique. Elle se distingue des marges floues ou limites des empires. N’ayant rien de naturel, ces constructions historiques lentes, plus ou moins endogènes, et plus ou moins objet de contestations et de violence, sont profondément modifiées par les processus de mondialisation contemporains. Les intégrations régionales les transforment, les atténuent, voire les suppriment et les repoussent ; les acteurs transnationaux les traversent ou les contournent en même temps qu’elles se sont fermées aux migrations et que de nouvelles frontières (sociales, culturelles) sont érigées.
- déplacés > Déplacés
- Selon l’Organisation internationale pour les migrations, le terme désigne les personnes ou groupes qui ont été forcés ou contraints à fuir ou quitter leur foyer ou leur lieu de résidence habituel, notamment en raison d’un conflit armé, de situations de violence généralisée, de violations des droits de l’homme ou de catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme ou pour en éviter les effets, et qui n’ont pas franchi les frontières internationalement reconnues d’un État. En anglais IDPs (internally displaced persons).
- migrants environnementaux > Migrant environnemental
- La migration environnementale rend compte des déplacements de populations, volontaires ou forcés, de courte durée ou permanents, sur des distances plus ou moins longues, en raison des conditions environnementales de départ (dégradations progressives, catastrophes naturelles soudaines, etc.). L’Organisation internationale pour les migrations définit les migrants environnementaux comme « les personnes ou groupes de personnes qui, essentiellement pour des raisons liées à un changement environnemental soudain ou progressif influant négativement sur leur vie ou leurs conditions de vie, sont contraints de quitter leur foyer habituel ou le quittent de leur propre initiative, temporairement ou définitivement, et qui, de ce fait, se déplacent à l’intérieur de leur pays ou en sortent ».
- Sud
- Voir Nord et Sud
- Nord
- Voir Nord et Sud
- colonies > Colonisation
- Processus historique qui lie profondément l’Europe au reste du monde. À partir de la fin du xve siècle (grandes découvertes), un vaste mouvement de domination économique, politique et culturelle du monde commence au profit de l’Espagne, du Portugal puis de l’Angleterre, de la France et de la Hollande qui entrent en concurrence pour l’appropriation des richesses à partir de la fin du xvie siècle. Une deuxième vague de colonisation se déroule au xixe siècle, alors que les pays d’Amérique du Sud issus des deux premiers empires sont déjà tous indépendants. La révolution industrielle pousse à la recherche de marchés et la France et l’Angleterre s’affrontent pour le partage d’une partie de l’Asie et de l’Afrique. Les territoires colonisés ont des statuts variables (dominions, protectorats, administration directe).
- diaspora > Diaspora
- Ensemble de communautés dispersées, souvent sur de très grandes distances, qui restent liées par des échanges économiques, financiers et culturels et se réfèrent à un territoire et une culture d’origine. L’accélération des processus de mondialisation et l’augmentation du nombre des migrants ont stimulé les diasporas anciennes (juive, grecque, arménienne, chinoise, indienne) et en ont créé de nouvelles (pays du Sud). La capacité à préserver les références culturelles d’origine au-delà des générations et indépendamment de la distance est fonction de la densité des réseaux transnationaux qu’elles construisent. Par extension le terme est utilisé par les gouvernements du Sud pour désigner leurs travailleurs migrants au Nord, dont les remises contribuent au PIB.
- individuelle > Individu
- L’individu est un acteur social élémentaire dont la place va croissant dans les processus de mondialisation pour de multiples raisons, parmi lesquelles : la circulation accélérée des idées, des valeurs et des informations, la possibilité de construire des réseaux d’échange et de solidarité sans proximité physique, la création de réseaux d’experts internationaux, la lutte pour le respect des droits humains et les demandes de démocratie.
- inégalités > Inégalité
- Répartition inégale des biens, matériels et/ou immatériels, considérés comme nécessaires ou désirables. Outre les inégalités de revenus (internes, internationales et mondiales), les inégalités, cumulatives, se mesurent également en matière d’accès aux services publics (accès à la santé, à l’éducation, à l’emploi, à un logement, à la justice, à une sécurité effective, etc.), à la propriété et plus largement aux ressources naturelles, ainsi qu’en matière d’expression politique ou de capacité de réaction face au risque écologique. Lorsque ces inégalités se fondent sur des critères prohibés par la loi, elles constituent des discriminations.
- économie de marché > Capitalisme
- Système économique reposant sur la propriété privée des moyens de production et la liberté de marché (liberté d’entreprendre, libre-échange, libre concurrence, etc. ; les fondements du libéralisme). Dans ce système, les détenteurs du capital (distincts des employés qui forment la force de travail et qui, selon Marx, sont exploités) cherchent à maximiser leurs profits (accumulation du capital). Après avoir émergé avec la fin du féodalisme, il s’est imposé lors de la révolution industrielle. Aujourd’hui adopté dans tous les pays (sauf les pays communistes), ce système est multiforme, incluant toujours une intervention (plus ou moins grande) de l’État, comme régulateur (notamment dans le modèle rhénan ou d’économie sociale de marché des pays scandinaves) ou comme acteur et planificateur (Japon, Singapour, France, etc.).
- développement > Développement
- Les définitions du développement et de son contraire – le sous-développement – ont beaucoup varié selon les objectifs politiques et les postures idéologiques de ceux qui les énonçaient. Au cours des années 1970, Walt Whitman Rostow le conçoit comme une dynamique quasi mécanique d’étapes successives de croissance économique et d’améliorations sociales, alors que Samir Amin analyse les rapports centre/périphéries, le premier fondant son développement sur l’exploitation des secondes. En Amérique latine, la théorie de la dépendance dénonçait l’ethnocentrisme du modèle universel d’un simple retard à rattraper par la modernisation. Parler de « pays » pauvres ou en développement occulte les inégalités existant aussi à l’intérieur des sociétés (du Nord comme du Sud) et les connexions des individus aux processus de mondialisation.
- États > État
- L’État est un système politique centralisé (différent du système féodal), différencié (de la société civile, espace public/privé), institutionnalisé (dépersonnalisation de l’institution), territorialisé (un territoire dont les frontières marquent de manière absolue les limites de sa compétence), qui prétend à la souveraineté (détention du pouvoir ultime) et se doit d’assurer la sécurité de sa population. En droit international public, l’État se définit par une population qui vit sur un territoire borné par des frontières sous l’autorité d’un pouvoir politique (État national territorial).
- communautaires > Communautaire
- Notions apparues à la fin des années 1970 dans la science politique, qui désignent la construction de l’identité, de l’appartenance et de l’allégeance sur des bases ethniques, linguistiques, religieuses ou sociologiques, à côté, voire contre l’État et le contrat social qu’il est censé garantir. La mondialisation contemporaine modifie profondément le rôle des États et des individus d’une part, les rapports complexes entre universalisme et particularisme d’autre part, ouvrant ainsi des espaces à l’émergence de multiples formes de communautarisme.
- remises > Remises
- Transferts de fonds des migrants vers leur pays d’origine, dites remises migratoires (remittances), effectués soit directement par les individus soit par le biais d’entreprises de transfert de fonds aux coûts variables. Ces remises sont recensées et étudiées par la Banque mondiale. Selon les pays elles peuvent représenter une part importante du PIB en même temps qu’elles permettent aux familles des migrants de se nourrir, se soigner et consommer un minimum, et aux collectivités villageoises de financer des équipements dans lesquels leurs États n’ont pas investi (écoles, centres de santé, etc.).
- aide publique au développement > Aide publique au développement
- Dons et prêts accordés par les pays développés (aide bilatérale) et les institutions internationales (aide multilatérale) aux pays en développement et moins avancés : aide alimentaire, assistance technique, assistance militaire, remises de dette, etc. L’aide bilatérale (2/3 de l’aide mondiale) génère des liens de dépendance (obligation d’acheter biens et services aux entreprises du donateur). Mise en place durant la guerre froide et les décolonisations, elle a été utilisée pour créer ou maintenir des liens entre les États-Unis et l’URSS et leur bloc, les anciennes métropoles et leurs anciens empires. L’objectif de porter l’APD à 0,7 % du PIB des pays développés, fixé en 1970 par l’ONU, n’a, sauf exceptions, jamais été atteint. L’Union européenne est la première pourvoyeuse mondiale d’aide. L’aide multilatérale est conditionnée au respect de critères de « bonne gouvernance », économiques et politiques.
- réseaux > Réseau
- La géographie classique a toujours survalorisé les surfaces, les territoires, les pays et les terroirs, mais l’analyse des réseaux est maintenant placée au cœur de sa démarche. Ils sont définis comme un espace où la distance est discontinue, et composés de nœuds reliés par des lignes. Ils sont soit matériels (réseaux de transport de personnes, de biens ou d’énergie, câbles informatiques et autoroutes de l’information), soit immatériels. Partiellement dématérialisés (internet par exemple), ils sont le fait aussi bien d’individus que d’organisations. Les philosophes (Gilles Deleuze et Félix Guattari), les sociologues (Manuel Castells), les politistes (James Rosenau) et les économistes utilisent ce concept pour analyser les logiques réticulaires de fonctionnement des individus.
- flux > Flux
- L’augmentation des flux de biens matériels, immatériels, de capitaux et de personnes caractérise les processus de mondialisation en cours. Ces mobilités transfrontalières constituent un phénomène spatial dont les géographes et les cartographes, focalisés sur les territoires, ne se sont préoccupés qu’assez tardivement. Ces flux sont organisés en réseaux plus ou moins denses, non parce que les territoires et les lieux sont semblables et interchangeables mais parce qu’ils sont différents et interdépendants. Ils supposent des infrastructures (câbles sous-marins, oléoducs, gazoducs, routes terrestres, maritimes, fluviales, aériennes) et des activités logistiques (intermodalité des ports, aéroports de fret, entrepôts du e-commerce, hubs informationnels, etc.).
- circulations > Circulation
- Hommes, marchandises, services, capitaux, informations, idées, valeurs et modèles sont objets de transferts et d’échanges de plus en plus importants. L’augmentation, la diversification et l’accélération des circulations caractérisent les processus actuels de mondialisation. Elles mettent en relation des espaces économiques et sociaux, par l’intermédiaire de réseaux qui, selon leur densité, leur fluidité, leur débit et leur hiérarchie peuvent profondément les différencier. De toutes les circulations, l’information au sens le plus large du terme est celle qui connaît la croissance la plus rapide, alors que celle des hommes est celle qui rencontre le plus d’obstacles.
- intégration > Intégration
- Notion à usages multiples. Elle s’oppose à « ségrégation » à propos de l’incorporation des étrangers dans les sociétés d’accueil dont l’intégration suppose plus qu’une simple inclusion par juxtaposition (multiculturalisme) mais se différencie d’une assimilation. L’intégration spatiale fait référence à l’incorporation progressive d’espaces périphériques et marginalisés dans le système spatial du centre. Le problème de la désintégration du lien social se pose quand des groupes cumulent des phénomènes d’exclusion économique, sociale, politique et spatiale. Les processus de mondialisation qui relient les sociétés mais maintiennent ou creusent les écarts sociaux, économiques, sanitaires et culturels entre et au sein de ces sociétés, créent et reproduisent une situation de déficit d’intégration sociale mondiale de plus en plus visible par les exclus.
- mafieuse > Mafia
- Le terme désigne à l’origine des groupes criminels italiens et s’applique aujourd’hui de manière générique à tous les réseaux d’économie illégale fonctionnant sur la base du crime organisé (drogue, racket, prostitution, contrefaçon, etc.). Acteurs transnationaux les moins bien connus, ce sont des groupes très organisés, strictement hiérarchisés et en développement rapide dans les États incapables de les contrôler ou bien qui les tolèrent (Russie, Chine, Mexique, Colombie), où leur poids dans l’économie peut être considérable.
- identité > Identité
- Notion ambiguë, plurielle, subjective, souvent instrumentalisée ou manipulée. Aucune identité n’est prédestinée ni naturelle, mieux vaut donc parler de construction identitaire, ou de processus de construction de représentations élaborées par un individu ou un groupe. Ces représentations ne sont ni stables ni permanentes et définissent l’individu ou le groupe à la fois par lui-même, par rapport ou en opposition aux autres, et par les autres. Les individus et les groupes en usent selon leurs intérêts et les contraintes propres à la situation dans laquelle ils se trouvent ; il s’agit donc d’une construction dans l’interaction. Cette combinaison d’appartenances, d’allégeances et de reconnaissance interne et externe est un processus complexe, plus ou moins conscient et contradictoire, toujours dans la combinaison et la recomposition.
- populismes > Populisme
- Le populisme désigne un ensemble de discours politiques qui ont en commun d’opposer le peuple, qu’ils prétendent incarner, à des élites politiques et économiques accusées de confisquer la souveraineté populaire et de détourner les institutions à leur profit (le « système »). Dans l’arène internationale, les populismes se rejoignent pour dénoncer une mondialisation qui ne bénéficierait qu’à une minorité, mais se distinguent entre des courants revendiquant une forme d’internationalisme (par exemple les mouvements bolivariens) et ceux qui se superposent à un discours identitaire ou néo-nativiste (les populismes d’extrême droite en Europe notamment).
- ethnicisation > Ethnie
- L’ethnie est une catégorie descriptive apparue à la fin du xixe siècle, construite par les anthropologues et diffusée par les administrateurs coloniaux. Contrairement à la race, elle ne fait pas référence à des critères biologiques mais désigne un groupe d’individus ayant la même origine, la même tradition culturelle, et dont l’unité s’appuie sur la langue, l’histoire, le territoire, les croyances et la conscience d’appartenir au groupe ethnique. Prétendue naturelle, l’ethnie est pourtant un construit social, subi ou revendiqué, à la fois arbitraire et évolutif. Posée comme identité exclusive, elle devient un instrument de mobilisation politique d’autant plus puissant que l’État est en difficulté. L’ethnocentrisme consiste à ne lire le monde qu’à travers sa propre culture et à vouloir imposer cette interprétation.
- culturelles > Culture
- Ce qui distingue l’existence humaine de l’état de nature, c’est-à-dire les processus par lesquels l’homme utilise et développe ses capacités intellectuelles. Selon Clifford Geertz (1973), la culture est un système de significations communément partagées par les membres d’une collectivité sociale, qui en font usage dans leurs interactions. Les cultures ne sont donc pas figées, elles se transforment au gré des pratiques sociales et sont à la fois porteuses de logiques d’inclusion et d’exclusion. Le culturalisme est une conception qui considère que les croyances supposées collectives et les appartenances à telle ou telle culture prédéterminent les comportements sociaux.
- altérité > Altérité
- L’altérité tient au caractère de ce qui est « autre », extérieur à la référence que constituent les propriétés d’un individu ou d’un environnement socio-politique ou culturel donné. Elle est ici employée dans un sens principalement culturel et politique.
- organisations internationales > Organisation internationale
- Selon Clive Archer, une OI est « une structure formelle, durable, établie par un accord entre ses membres (gouvernementaux et/ou non gouvernementaux), à partir de deux ou plusieurs États souverains, dans le but de poursuivre un intérêt commun aux membres ». Marie-Claude Smouts désigne trois traits distinctifs des OI : elles procèdent d’un « acte fondateur » (traité, charte, statut), s’inscrivent dans un cadre matériel (siège, financement, personnel), et constituent un « mécanisme de coordination ».
- gouvernance > Gouvernance
- Inspirée de la gestion et de l’entreprenariat, l’expression gouvernance globale renvoie aux institutions formelles et informelles, mécanismes et processus par lesquels s’établissent et se structurent les relations entre États, citoyens, marchés et organisations internationales et non gouvernementales à l’international. Le système de gouvernance globale tend à articuler les intérêts collectifs, à établir des droits et obligations, à arbitrer les différends et à déterminer les modes de régulation appropriés aux objets et acteurs concernés. La gouvernance prend différentes formes : gouvernance multilatérale universelle, gouvernance de club (réservée à certains membres comme le G7/8/20), gouvernance polycentrique (juxtaposition d’instruments de régulation et de gestion à différentes échelles), etc.