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Mobilité des prix Nobel

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Conçu par Alfred Nobel (1833-1896), industriel, inventeur, financier et écrivain amateur ayant fait fortune avec l’entreprise familiale de fabrication d’explosifs, le prix Nobel est attribué chaque année depuis 1901 dans plusieurs disciplines scientifiques (physique, chimie, physiologie-médecine, ainsi qu’économie à partir de 1969), en littérature et dans le domaine de la paix. Il peut être remis à des lauréats (jusqu’à trois par prix) et/ou des institutions (par exemple dans le domaine de la paix).Le prix n’a depuis cessé d’illustrer l’hybridation à l’œuvre entre des individus (à 93 % masculins) ancrés dans des équipes de recherche et/ou des microcosmes intellectuels spatialement situés et de plus en plus transnationalisés, des palmarès de lauréats scrutés par les États et une volonté affichée par les comités Nobel (suédois et finlandais) de transcender les particularismes nationaux afin de promouvoir la paix et la concorde universelle. Aux espaces de compétition entre (sous-)disciplines scientifiques et entre équipes de recherche se surimpose une évaluation du niveau scientifique et culturel et, implicitement, des politiques de recherche, de production culturelle et de respect des droits humains assurées par les États. Le rituel de nobélisation consacre ainsi l’exceptionnalité de travaux scientifiques, d’œuvres littéraires ou d’initiatives diplomatiques en leur offrant une notoriété inégalée. Celle-ci confère également à leurs récipiendaires la responsabilité d’incarner une certaine conscience universelle.

Géopolitiquement, le Nobel consacre « l’aboutissement d’un processus social de sélection, de formation et de socialisation progressive dans les réseaux les plus éminents de la recherche, des lettres et du champ politique » (Josepha Laroche). À partir de 1945, les États-Unis en deviennent l’incontestable leader, tant du fait de l’arrivée majeure de savants et d’intellectuels fuyant les guerres, les dictatures, les persécutions ou les pogroms en Europe, en Amérique latine ou en Asie que de l’omniprésence des revues scientifiques et des chercheurs étatsuniens (ou anglo-saxons) dans le processus d’évaluation de la recherche, confirmant notamment l’attractivité des universités étatsuniennes auprès d’élites scientifiques globalisées. Près des deux tiers des lauréats des 179 prix Nobel scientifiques attribués entre 1994 et 2017 étaient en poste aux États-Unis au moment de l’obtention de leur prix, tandis qu’un quart des lauréats avaient travaillé dans au moins deux pays différents.

Mobilité internationale des lauréats des prix Nobel scientifiques, 1994-2017

Sources : OST (2018), La Position scientifique de la France dans le monde, 2000-2015, Paris, Hcéres ; www.nobelprize.org 

Commentaire : Le graphique en secteurs montre le nombre de prix Nobel obtenus entre 1994 et 2017 selon le pays des universités des chercheurs lauréats. Sur 179 prix, près de la moitié ont été obtenus aux États-Unis ; le Royaume-Uni et le Japon, qui viennent ensuite, en ont remporté nettement moins. Ainsi, les dix premiers sont tous des pays dits « du Nord ». Les flèches montrent la trentaine de chercheurs qui ont migré entre le début de leurs recherches et l’obtention du prix Nobel, les États-Unis attirant la plupart d’entre eux, loin devant le Royaume-Uni et l’Australie.

Citation

« Mobilité des prix Nobel » Espace mondial l'Atlas, 2018, [en ligne], consulté le 15 mars 2021, URL:
https://espace-mondial-atlas.sciencespo.fr/fr/rubrique-mobilites/focus-2F04-mobilite-des-prix-nobel.html

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