La situation migratoire à Calais
Présentée, à partir de 2015, comme le fruit d’une « crise migratoire », la situation à Calais illustre les stratégies d’invisibilisation et de mise à l’écart des migrants par l’État français : fermeture du centre d’hébergement et d’accueil d’urgence humanitaire à Sangatte en 2002, démantèlement de la « jungle des Pachtounes » en 2009, incitations à évacuer le centre-ville via l’ouverture du centre d’accueil de jour Jules Ferry dans la zone industrielle des Dunes, démantèlement de la « jungle de Calais » en 2016 puis de tous les camps. La gouvernance sécuritaire des migrations s’accompagne d’une gestion humanitaire : le soutien apporté aux migrants est d’abord pensé sur le mode de l’urgence avec une aide de première nécessité. Si la situation à Calais illustre l’« encampement du monde », selon l’expression de Michel Agier, elle révèle également la transformation des frontières selon les individus et leur statut : les accords du Touquet (2003) ou l’érection d’un mur anti-migrants et de clôtures à Calais en témoignent. Enfin, la présence des migrants sur le territoire de Calais suscite des mobilisations locales d’individus anti-migrants, de personnes s’inquiétant des conséquences de leur présence, d’habitants solidaires avec les migrants. Avec la médiatisation, l’arrivée de nouveaux acteurs nationaux et internationaux, plus professionnalisés, a provoqué des tensions avec les acteurs locaux engagés sur le terrain depuis longtemps.
Commentaire : Ce plan de la ville de Calais et de ses alentours souligne deux aspects locaux de la situation des migrants. D’une part, les sites qui permettent d’aller au Royaume-Uni – entrée du tunnel sous la Manche et port de Calais – sont rendus inaccessibles par la construction de clôtures et de murs de plusieurs mètres de haut. D’autre part, les camps, les centres d’accueil et les squats rassemblant les migrants ont tous été démantelés par les gouvernements français successifs depuis le début des années 2000.
- migrants > Migrant
- Déplacement d’individus quittant durablement leur pays (émigration) pour se rendre dans un autre pays (immigration), de façon volontaire ou forcée (guerre, pauvreté, chômage, atteinte aux droits humains, conditions climatiques, etc.), et souvent en séjournant de façon plus ou moins temporaire dans différents pays dits de transit. Inhérents à l’histoire de l’humanité, les processus migratoires suscitent la mise en place de différents dispositifs de politiques publiques liés au contexte politique, économique et culturel ainsi qu’à la conception de la nationalité. Les États d’accueil s’efforcent d’organiser, parfois d’attirer (besoin de main-d’œuvre, exploitation de certains territoires, naturalisations, etc.), et plus souvent de restreindre l’immigration (contrôle aux frontières, quotas, titres de séjour, etc.). Les États de départ tentent, dans la plupart des cas, de maintenir des relations avec les nationaux et communautés diasporiques installées à l’étranger.
- gouvernance > Gouvernance
- Inspirée de la gestion et de l’entreprenariat, l’expression gouvernance globale renvoie aux institutions formelles et informelles, mécanismes et processus par lesquels s’établissent et se structurent les relations entre États, citoyens, marchés et organisations internationales et non gouvernementales à l’international. Le système de gouvernance globale tend à articuler les intérêts collectifs, à établir des droits et obligations, à arbitrer les différends et à déterminer les modes de régulation appropriés aux objets et acteurs concernés. La gouvernance prend différentes formes : gouvernance multilatérale universelle, gouvernance de club (réservée à certains membres comme le G7/8/20), gouvernance polycentrique (juxtaposition d’instruments de régulation et de gestion à différentes échelles), etc.
- frontières > Frontière
- Ligne au-delà de laquelle cesse la souveraineté étatique. Elle se distingue des marges floues ou limites des empires. N’ayant rien de naturel, ces constructions historiques lentes, plus ou moins endogènes, et plus ou moins objet de contestations et de violence, sont profondément modifiées par les processus de mondialisation contemporains. Les intégrations régionales les transforment, les atténuent, voire les suppriment et les repoussent ; les acteurs transnationaux les traversent ou les contournent en même temps qu’elles se sont fermées aux migrations et que de nouvelles frontières (sociales, culturelles) sont érigées.