Résumé

L’empreinte écologique de l’humanité est telle que les scientifiques ont déclaré l’avènement d’une nouvelle ère géologique, l’Anthropocène. La désertification, la déforestation, l’acidification des océans, l’érosion massive de la biodiversité, la chute des stocks de ressources halieutiques et les multiples formes de pollution se sont considérablement accélérées depuis les années 1950.

Le 2 août 2017, la consommation annuelle de l’humanité en ressources écologiques a dépassé la capacité de régénération de la Terre. Atteint de plus en plus tôt depuis les années 1970, ce jour du dépassement (Earth Overshoot Day), calculé par le Global Footprint Network, varie pour chaque pays. En 2018, la France l’a atteint le 5 mai. Si toute l’humanité consommait comme les Français, il faudrait 2,9 planètes Terre pour combler la dette écologique (contre 1,7 Terre pour la moyenne globale). L’ empreinte écologique de l’humanité est telle que les scientifiques ont déclaré l’avènement d’une nouvelle ère géologique, l’ Anthropocène : « Qu’ils soient solides, liquides ou gazeux, concentrés ou diffus, ces déchets laissent leurs traces dans l’eau, dans les sols, ou dans les bulles d’air que l’on retrouve dans les carottes glaciaires, ils sont devenus des signes indiscutables, des preuves tangibles de l’influence des activités humaines sur la composition de la couche supérieure de la planète » (Baptiste Monsaingeon).

Empreinte écologique, 2014

Source : Global Foot print Network, National Footprint Accounts 2018 Edition, www.footprintnetwork.org 

Commentaire : Le Global Footprint Network, fondé en 2003 par des chercheurs aux États-Unis, est un think tank en réseau de 70 partenaires qui estime chaque année l’empreinte écologique à partir de nombreuses sources (onusiennes surtout). Le réseau mène aussi des actions de sensibilisation (telles les campagnes Earth Overshoot Day, date à laquelle l’humanité a consommé davantage de nature que notre planète peut renouveler). L’empreinte écologique de la consommation est devenue une référence pour l’ensemble des acteurs en matière d’environnement. Cet indicateur est élevé dans de nombreux pays, en particulier aux États-Unis, en Mongolie, en Australie, dans le Golfe, en Russie, etc. Les barres indiquent le nombre de planètes Terre nécessaire pour supporter la consommation de chaque pays.

En 1968, Garrett Hardin s’est appuyé sur une parabole pour décrypter les mécanismes de la dégradation environnementale : une pâture en accès libre – les « communaux » – est inexorablement érodée par les éleveurs qui bénéficient du surpâturage sans assumer les coûts partagés collectivement. C’est la tragédie des communaux, qui pose le problème de « la réconciliation de l’intérêt individuel à court terme et de l’intérêt collectif à long terme » (Philippe Le Prestre). Alors qu’il ne proposait que deux options pour endiguer la dégradation des communaux, soit la privatisation, soit la nationalisation (des travaux ultérieurs montreront d’autres formes de régulation comme la gouvernance polycentrique), Hardin a façonné notre compréhension actuelle des problèmes environnementaux. Les dégradations environnementales dépendent des mécanismes institutionnels gouvernant le mode d’accès et de consommation des ressources naturelles. À l’échelle internationale, les biens communs planétaires – la haute mer, les fonds marins, l’atmosphère, l’Antarctique, l’espace extra-atmosphérique – font l’objet d’une gouvernance de club ayant pour but de limiter leur dégradation tout en contenant les revendications de souveraineté.

Désertification, déforestation, biodiversité…

Les dégradations environnementales causées par l’activité humaine se sont globalement considérablement accélérées depuis 1950. La lutte contre l’érosion de la couche d’ozone, à travers la Convention de Vienne de 1985 et le Protocole de Montréal de 1987, figure certes parmi les succès de la prévention, mais d’autres formes de dégradation s’accentuent en dépit des mécanismes de régulation internationaux.

Phénomène à la fois naturel et d’origine humaine, la désertification est amplifiée par l’utilisation excessive des sols et de l’irrigation, par la déforestation, l’ industrialisation, le tourisme et les changements climatiques. Selon l’ ONU, 12 millions d’hectares de terre et 42 milliards de dollars américains de revenus sont perdus chaque année, en dépit de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CLD), adoptée en 1992. Entre 2010 et 2015, la FAO a estimé à 3,3 millions d’hectares la perte annuelle de couverture forestière mondiale. La déforestation n’est pas un phénomène nouveau : en 5 000 ans, 1,8 milliard d’hectares de forêt ont été détruits pour répondre aux besoins alimentaires, en terres d’élevage, en énergies, en fibres et en produits forestiers (Five Fs). Deux changements récents sont à noter : depuis 1950, la déforestation touche essentiellement les forêts tropicales alors que le taux de reboisement dans les zones tempérées est en croissance constante ; depuis les années 1990, le secteur privé a remplacé l’État comme acteur principal du déboisement. Malgré une répartition géographique inégale au détriment des forêts tropicales – qui sont à la fois des puits de carbone, des réserves de biodiversité et les habitats traditionnels de communautés autochtones – , la FAO a estimé en 2015 que l’on avait enregistré un ralentissement du taux de déforestation de 50 % au cours des 25 dernières années. L’acidification des océans, l’érosion massive de la biodiversité, la chute des stocks de ressources halieutiques et les multiples formes de pollutions comptent aussi parmi les nombreuses dégradations environnementales dont fera état le prochain Global Environmental Outlook d’ONU Environnement, à paraître en 2019.

Cambodge et Paraguay : deux cas d’évolution du couvert forestier, 2000-2016

Sources : Hansen/UMD/Google/USGS/Nasa, Global Forest Change 2000-2016, v1.4, http://earthenginepartners.appspot.com/science-2013-global-forest ; FAO, www.fao.org/faostat ; https://protectedplanet.net

Commentaire : Ces deux exemples de déforestation, au Paraguay et au Cambodge, sont issus du travail d’analyses de l’Université du Maryland à partir d’images satellites (Landsat) de 2000 et 2016. La forêt sèche du Chaco paraguayen dans l’ouest très faiblement peuplé du pays (0,5 habitant par km2) connaît le taux de déforestation le plus élevé au monde. Des acteurs locaux, brésiliens et transnationaux (secte Moon, FMN américaines Cargill et Bunge) développent pour le marché mondial la culture du soja (OGM + glyphosate) et l’élevage bovin dans des exploitations de 10 000 à 400 000 ha (les rectangles violets sur la carte). Le Cambodge, pays forestier à 75 % en 1990, avait perdu 25 % de sa forêt en 2015 ; l’abattage illégal, mais toléré avec complicité policière, nourrit un trafic très lucratif de bois précieux vers le Vietnam et la Chine, doublé de politiques publiques de concessions forestières à des grands groupes nationaux ou transnationaux pour développer la production de caoutchouc (les taches violettes de 50 à 100 km dans la partie Est).

Si le débat persiste sur le poids à attribuer à chacune des causes socio-économiques des dégradations environnementales, essentiellement inter- dépendantes et complexes (faiblesse des institutions, pauvreté, surpopulation, capitalisme, croissance économique, trafic et exploitation illégale, etc.), leurs effets se renforcent indiscutablement : la déforestation participe au réchauffement climatique, qui contribue à la désertification, qui affecte la production agricole et la biodiversité, etc.

Indice planète vivante, 1970-2012 

Source : WWF, Living Planet Report 2016, https://wwf.panda.org/lpr  

Gérer une planète poubelle

Chaque année, l’humanité produit plus de 4 milliards de tonnes de déchets, dont près de la moitié dans les zones urbaines. À l’horizon 2100, ce chiffre pourrait avoir triplé. Dès 1972, le rapport du Club de Rome, Halte à la croissance, alertait sur l’exploitation illimitée de ressources limitées et sur la question des déchets. Aujourd’hui, le problème des déchets est géré dès l’espace domestique et contribue à une économie politique internationale pesant annuellement 433 millions de dollars américains (20 millions de personnes participent au secteur informel du recyclage). Répondant à des objectifs politiques, économiques, sanitaires et environnementaux, la revalorisation des déchets est au cœur des projets d’ économie circulaire ou de « zéro-déchet », comme celui promu par la ville de Sydney, étudié par Michele Acuto. Les campagnes transnationales menées par les ONG environnementales comme Greenpeace et WWF rappellent la règle des 3R « Réduire, Réutiliser, Recycler », et soulignent des enjeux plus spécifiques, comme celui des déchets plastiques dans les océans, estimés à 12,7 millions de tonnes par an, ou le commerce illégal de déchets toxiques. Ainsi que le défend Baptiste Monsaingeon, les déchets restent souvent invisibles à ceux qui les ont produits : en isolant le problème des déchets et en se focalisant sur leur gestion et leur élimination, on passe sous silence les choix politiques, économiques et sociaux à l’origine de leur production.

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