Résumé

La diversité biologique,ou biodiversité, est menacée par la dégradation des milieux naturels, la surexploitation des ressources naturelles, la pression démographique, l’urbanisation, la pollution et les changements climatiques. La mise en œuvre de politiques de protection de la biodiversité se heurte à de multiples obstacles : divergence d’intérêts et de priorités des États, prise en compte de la multiplicité des acteurs concernés, échelle d’action pertinente, mécanismes d’action privilégiés, etc.

En trois décennies, la biodiversité (ou diversité biologique) est devenue un enjeu transversal et multiscalaire de l’action publique, du gène à la biosphère en passant par le microbiote humain. Elle revêt trois dimensions interactives : la diversité des espèces vivantes (faune et flore), celle des écosystèmes et celle des gènes.

Défis d’une sixième extinction probable

L’urgence de la préservation de la biodiversité fait l’objet d’une prise de conscience variable à l’heure de l’entrée de la planète dans l’ère de l’ Anthropocène.

Évolution de la répartition des biomes anthropogéniques, 1700-2000

Source : Anthromes Working Group, http://ecotope.org/anthromes/group/ 

Commentaire : Ce graphique montre la répartition des surfaces terrestres émergées, selon le type de biome, entre 1700 et 2000. La part des terres sauvages et semi-naturelles a été divisée par deux en 300 ans, elle occupait plus de 90 % des superficies en 1700 contre 45 % aujourd’hui. La majorité des terres sont désormais anthropisées, même partiellement. Cette anthropisation des terres s’est essentiellement opérée par la transformation des terres en prairies, pâturages et terres cultivées, qui représentent 40 % des terres en 2000.

La dégradation des milieux naturels, terrestres et aquatiques s’observe à travers une accélération sans précédent du rythme d’extinction des espèces (cycadées, conifères, coraux, amphibiens, mammifères, oiseaux, insectes, etc.).

Espèces menacées par grandes familles, 2017

Source : The International Union for Conservation of Nature (IUCN), « Red List of Threatened Species », www.iucnredlist.org

Commentaire : L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) répertorie et évalue les espèces vivantes menacées. Au sein même des différents règnes vivants (animaux, plantes et champignons), chaque classe présente un nombre très variable d’espèces menacées mais néanmoins systématiquement supérieur à 13 % (à l’exception des algues vertes). Ainsi, chez les animaux vertébrés, les amphibiens sont les plus menacés (32 %). Chez les invertébrés, ce sont les vers et les araignées (82 et 68 %). Parmi les plantes, ce sont les mousses, les fleurs et les fougères (75, 52 et 51 %) ainsi que les lichens et les champignons (77 %).

L’érosion (sols, littoraux) et la détérioration systémique des forêts, des prairies et des zones humides (lacs, rivières, aquifères souterrains, mangroves, lagunes, tourbières, marais, oasis, récifs coralliens, etc.) fragilisent des écosystèmes nécessaires pour réguler la ressource en eau et l’épuration et pour prévenir les catastrophes dites naturelles (crues, coulées de boue, incendies, sécheresses, avalanches, etc.).

La surexploitation des ressources naturelles porte également atteinte à la biodiversité. Plus des trois quarts des terres font aujourd’hui l’objet d’une exploitation humaine, et la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) estime que cette part atteindra neuf dixièmes en 2050. Seules resteront inexploitées les zones non adaptées : déserts, montagnes, toundra et territoires polaires. L’intensification agricole en Europe et en Amérique, qui repose sur l’usage systématique d’intrants chimiques (engrais de synthèse, produits phytosanitaires, etc.), diminue la fertilité des terres arables et s’accompagne d’une homogénéisation des semences cultivées et de monocultures qui sont également réductrices de biodiversité. Celle-ci est aussi menacée par la consommation de masse, la biopiraterie ou le trafic transnational d’espèces protégées.

Des facteurs aggravants

La pression démographique et l’ urbanisation galopante (étalement urbain, croissance de l’automobile, grignotage des terres arables), notamment dans les pays du Sud, érodent la biodiversité. La pollution continue de l’air, des sols et des nappes phréatiques, des cours d’eau et des océans provoquée par les activités industrielles et agricoles, la production croissante de déchets liée aux modes de vie consuméristes, les accidents industriels, les marées noires et même l’essor d’espèces envahissantes pèsent sur la biodiversité et la productivité biologique des milieux naturels.

Les changements climatiques démultiplient enfin certaines dégradations déjà évoquées : acidification des océans, disparition, prolifération et déplacement d’espèces, événements météorologiques extrêmes, etc.

Les premières politiques de biodiversité débutent à la fin du xix e siècle, avec la création d’aires protégées permettant de conserver la nature tout en contrôlant le territoire des populations autochtones (Amérique du Nord, empire colonial britannique). Des conventions internationales sont adoptées afin de protéger les espèces considérées « utiles » à l’agriculture, la pêche ou la chasse, avec le soutien de sociétés nationales de protection de la nature. La mobilisation des scientifiques, des institutions onusiennes et d’organisations dédiées à la biodiversité (Union internationale pour la conservation de la nature [ UICN ], World Wildlife Fund [ WWF ]) contribue au développement de nouvelles problématiques et de nouveaux outils (telle la classification des espèces menacées). La conférence sur la biosphère organisée par l’ Unesco en 1968, suivie des conférences de Stockholm (1972, avec la création du Programme des Nations unies pour l’environnement [ PNUE ]) et de Rio, où est adoptée la Convention sur la diversité biologique (1992), puis la création en 2012 d’une plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) parachèvent la constitution d’un régime international de biodiversité qui recèle toutefois de multiples ambiguïtés.

Ratifications de huit accords environnementaux, 1974-2018

Sources : ONU, https://treaties.un.org ; InforMEA, https://www.informea.org ; FAO, www.fao.org/plant-treaty

Commentaire : Cette collection de graphiques montre la chronologie de la ratification de huit traités internationaux sur l’environnement. Trois conventions sont anciennes (plus de 35 ans) mais n’ont été ratifiées que très progressivement jusqu’à aujourd’hui : il s’agit de celles sur le commerce des espèces menacées (CITES), sur les zones humides (Ramsar) et sur la protection des espèces migratrices (CMS). Deux conventions des années 1990 ont été massivement et rapidement ratifiées : l’une sur la diversité biologique et l’autre sur la lutte contre la désertification. Enfin, très peu d’États ont déjà ratifié les deux traités sur les ressources génétiques et phytogénétiques.

Protéger toujours plus

L’ampleur des enjeux soulève d’abord la question de contenir la protection de la biodiversité dans des secteurs spécifiques ou de l’étendre à tous les domaines de l’action publique (mainstreaming) en considérant qu’il s’agit à la fois d’une ressource, d’un bien public, d’un patrimoine et d’un savoir communs.

Les négociations mettent au jour les divergences d’intérêts entre les acteurs. Les ONG environnementalistes du Nord défendent la biodiversité comme un bien commun, tandis que les pays du Sud revendiquent leur souveraineté dans la gestion de leurs ressources naturelles (d’où le protocole de Carthagène sur la biosécurité en 2000, obtenu grâce au rapprochement entre les pays du G77 et l’Union européenne) et leur volonté de les utiliser pour leur propre développement (Protocole de Nagoya sur l’accès et le partage des avantages en 2010).

Alors que de nombreux pays réduisent les dépenses publiques en matière de recherche et développement, les industriels jouent un rôle majeur et croissant : définition des normes de pollution, choix des mécanismes de compensation de la biodiversité détruite (projets REDD+), mise en place de dispositifs de certification (halieutique, forestière), valorisation économique et génétique de la biodiversité et propriété intellectuelle sur le vivant (bioprospection, biopiraterie), recours aux instruments de marché (souvent financés par l’industrie touristique) tels que le paiement pour services environnementaux rendus, etc. community empowerment) pour mieux valoriser les savoirs indigènes et locaux dans l’entretien ou la restauration de ces ressources (agroécologie, foresterie communautaire, permaculture, etc.).

À l’échelle locale, les populations autochtones vivant des ressources naturelles revendiquent une gestion plus participative et communautaire de ces ressources (community empowerment) pour mieux valoriser les savoirs indigènes et locaux dans l’entretien ou la restauration de ces ressources (agroécologie, foresterie communautaire, permaculture, etc.).

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Citation

« Biodiversité » Espace mondial l'Atlas, 2018, [en ligne], consulté le 15 mars 2021, URL:
https://espace-mondial-atlas.sciencespo.fr/fr/rubrique-ressources/article-5A04-biodiversite.html

Références

  1. Bonneuil Christophe et Fressoz Jean-Baptiste, L’Événement Anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Paris, Seuil, 2013.
  2. Compagnon Daniel et Rodary Estienne (dir.), Les Politiques de biodiversité, Paris, Presses de Sciences Po, 2017.
  3. Hrabanski Marie et Pesche Denis (eds), The Intergovernmental Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES) : Meeting the Challenges of Biodiversity Conservation and Governance, Londres, Routledge, 2017.
  4. Mermet Laurent et Leménager Tiphaine (dir.), Développement et biodiversité. Comment négocier le tournant environnemental ?, Paris, Agence française de développement, 2015.
  5. Oberthür Sebastian et Rosendal G. Kristin (eds), Global Governance of Genetic Resources : Access and Benefit Sharing after the Nagoya Protocol, 2014.
  6. Thomas Frédéric et Boisvert Valérie (dir.), Le Pouvoir de la biodiversité. Néolibéralisation de la nature dans les pays émergents, Marseille/Paris, IRD Éditions/Quae, 2015.
  7. Vadrot Alice, The Politics of Knowledge and Global Biodiversity, Londres, Routledge, 2014.

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