Résumé

Sources de puissance des États et de leur développement économique, les énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) assurent près de 80 % des besoins énergétiques mondiaux. La nécessité de diminuer leur consommation pour lutter contre les changements climatiques se heurte à l’inertie des systèmes énergétiques en place, à l’action des lobbys industriels et aux logiques de marché qui structurent la production et la consommation d’énergie.

L’accès à l’énergie est un facteur essentiel du développement économique et l’un des piliers de la puissance des États. L’homme a besoin d’énergie pour se chauffer, cuire ses aliments, s’éclairer, se déplacer et faire fonctionner des machines. Les sources d’énergie disponibles furent longtemps limitées au vent (navigation maritime, moulins à vent), au feu (grâce au bois), au courant des rivières (moulins à eau) et aux muscles d’animaux ou d’hommes, éventuellement réduits en esclavage. Ce n’est qu’avec la compréhension des grands principes de la thermodynamique puis la mise au point de machines à vapeur alimentées par le charbon au xviiie siècle que l’humanité a basculé dans l’ère industrielle. Près de deux siècles plus tard, elle peine à sortir de sa dépendance envers les énergies fossiles.

Consommation d’énergie fossile, 2016

Source : BP, The Statistical Review of World Energy 2017, www.bp.com  

Commentaire : Cette carte montre la consommation d’énergies fossiles en 2016. En quantités absolues, la Chine est le premier consommateur, nettement devant les États-Unis, eux-mêmes nettement devant l’Inde et la Russie. Une fois ramenée par habitant, cette consommation reflète davantage les « modes de vie », particulièrement énergivores en Amérique du Nord, dans le Golfe, en Corée du Sud ou en Australie, alors qu’en Amérique latine, en Afrique, dans le reste de l’Asie et, dans une moindre mesure, en Europe, cette consommation est moindre.

Les énergies fossiles sont issues de la décomposition de matière organique dans le sol sur des millions d’années, et sont donc, par définition, des ressources non renouvelables. Parce qu’elles sont constituées d’un assemblage de molécules de carbone et d’hydrogène (hydrocarbures) sous forme solide (charbon), liquide (pétrole) ou gazeuse (gaz naturel), leur combustion, nécessaire pour produire la chaleur transformable en énergie, engendre inévitablement la formation de gaz carbonique (CO ), l’un des gaz à effet de serre dont l’accumulation dans l’atmosphère induit le réchauffement climatique global. Une diminution (rapide) de la consommation d’énergies fossiles est donc requise pour enrayer ce processus de changement climatique.

Énergies fossiles, sources de puissance

Berceau de la révolution industrielle, la Grande-Bretagne est devenue au xix e siècle la première puissance mondiale en fondant son essor économique et militaire sur le charbon. Bien qu’abandonné par nombre de pays (dont la France), le charbon représente toujours près de 30 % de la consommation mondiale d’énergie primaire et reste une source d’énergie majeure dans les pays ayant d’importantes ressources charbonnières. Très utilisé en Chine (qui consomme à elle seule 50 % du charbon dans le monde) et dans d’autres pays émergents (Inde, Afrique du Sud, Indonésie, etc.), il est aussi consommé en masse dans quelques pays industrialisés, dont les États-Unis (10 % de la consommation mondiale), le Japon et l’Allemagne, principalement pour la production d’électricité. Il a cependant perdu son rôle stratégique au cours du xx e siècle, lorsque le pétrole s’est imposé comme l’énergie-clé de la mobilité. Relativement bon marché, facile à produire, à transporter et à stocker, le pétrole assure aujourd’hui la quasi-totalité du transport (routier, aérien et maritime) ; ce secteur absorbe d’ailleurs près des deux tiers de la production.

Consommation de charbon, 2000-2016

Source : BP, The Statistical Review of World Energy 2017, www.bp.com 

Commentaire : La Chine consomme plus de la moitié du charbon consommé dans le monde en 2016. Mais selon les régions, l’évolution sur les quinze dernières années est divergente : la consommation de charbon baisse dans les pays du Nord (États-Unis, qui demeure le second consommateur, devant l’Inde) et en Europe ; en revanche, elle augmente dans les pays du Sud (Asie, Amérique latine, en Afrique du Sud ou encore en Turquie).

Pétrole

Ressource indispensable dans une économie moderne, le pétrole possède une double dimension, politique et économique. D’une part, c’est une ressource territorialisée dont les gouvernements peuvent, en vertu du principe de souveraineté, contrôler l’accès en autorisant (ou non) les compagnies pétrolières à venir exploiter les gisements situés sur leur territoire. Ce contrôle étatique peut même déboucher sur des nationalisations, comme ce fut le cas dans les pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) au cours des années 1970. D’autre part, c’est un bien marchand régi par les lois de l’offre et de la demande, qui s’échange sur un marché mondialisé et dont le prix est fixé par les marchés financiers. La scène pétrolière relève donc à la fois de l’espace interétatique et de l’ espace globalisé.

Production et consommation de pétrole, 2016

Source : BP, The Statistical Review of World Energy 2017, www.bp.com 

Commentaire : La géographie de la consommation de pétrole se rapproche de celle du poids économique des États (États-Unis, Chine, Japon, États européens, grands émergents, etc.), à l’exception des monarchies du Golfe qui surconsomment. La production de pétrole dépend plutôt de prédispositions géologiques. Les principaux pays producteurs sont ceux du Golfe, la Russie, le Canada, le Venezuela, l’Algérie, la Norvège, l’Angola, le Nigeria ou encore le Kazakhstan ; tous ces pays sont excédentaires et exportent. En revanche, la Chine et les États-Unis, producteurs significatifs mais consommateurs considérables, sont déficitaires et doivent donc importer, ainsi que l’Inde.

Du fait de cette double dimension et de la concurrence s’exerçant entre pays producteurs, la sécurité des approvisionnements des grands pays importateurs (États-Unis, Europe, Japon, Chine, etc.) repose non pas sur le contrôle des réserves ou de la production, mais sur le contrôle des flux, c’est-à-dire des routes maritimes empruntées par les tankers. Grâce à leur réseau de bases navales et militaires à travers le monde, les États-Unis assurent la protection de ces flux (en particulier autour des détroits) et sont de facto devenus les garants du système pétrolier mondial, au profit de l’ensemble des pays importateurs.

Commerce de pétrole, 2016

Source : BP, The Statistical Review of World Energy 2017, www.bp.com 

Commentaire : Cette carte montre les principaux flux de commerce du pétrole, elle complète donc la précédente, dévoilant les transferts en cas d’excédents ou de déficits. Ce commerce qui s’effectue essentiellement par bateaux (tankers) est mondialisé. Les importations s’avèrent assez souvent diversifiées, à quelques exceptions près (dépendance des États-Unis au Canada ou de l’Europe à la Russie). Les grandes régions exportatrices sont le Golfe (Arabie Saoudite en tête), l’Afrique de l’Ouest, la Russie, le Canada et, dans une moindre mesure, le nord de l’Amérique du Sud.

Bien qu’en (léger) recul ces dernières années, la part des énergies fossiles dans le mix énergétique mondial reste élevée (près de 80 % de l’énergie consommée dans le monde). Cette persistance s’explique notamment par des choix politiques et par la rigidité des systèmes énergétiques et des modes de consommation : la lourdeur des infrastructures en place (difficiles et coûteuses à remplacer) ainsi que les intérêts des acteurs du secteur de l’énergie (dont les firmes multinationales pétrolières) rendent la transition vers une économie décarbonée longue et difficile, malgré les campagnes en faveur du désinvestissement des énergies fossiles (à l’instar de celle lancée par l’ONG 350.org). Surtout, ces énergies fossiles conservent une réelle compétitivité économique, en l’absence d’une taxe carbone permettant de prendre en compte les externalités sociales et environnementales induites par leur utilisation (en particulier le réchauffement climatique). La production ou la consommation de ces énergies est même souvent soutenue par les pouvoirs publics, voire subventionnée pour des raisons sociales : c’est le cas de l’essence dans de nombreux pays producteurs (Arabie Saoudite, Iran, Venezuela, Nigeria, etc.), du charbon en Chine, en Afrique du Sud et en Pologne (où les activités d’extraction sont une source d’emplois importante) et du gaz naturel en Russie (massivement utilisé pour le chauffage). Mettre fin à ces subventions est souvent politiquement délicat car cela affecte directement le pouvoir d’achat des populations. L’abandon des énergies fossiles pour diminuer la pollution et ses conséquences sur le climat et sur la qualité de l’air dans les villes a un coût économique autant que politique qui explique la lenteur de la transition énergétique.

Évolution de la production primaire d’énergie, 1900-2014

Source : The Shift Project Data Portal, d’après B. Etemad et J. Luciani (1900 -1980) et US EIA Historical Statistics (1981-2014), www.tsp-data-portal.org

Commentaire : Ces graphiques montrent l’évolution de la production d’énergie primaire mondiale entre 1900 et 2014. Le graphique de gauche montre l’évolution quantitative, forte sur toute la période. Les trois énergies fossiles que sont le pétrole, le charbon et le gaz ont fortement cru, le pétrole et le gaz en particulier, mais le charbon demeure la première énergie jusqu’au milieu des années 1960 et la seconde aujourd’hui. Le graphique de droite montre le mix énergétique (la ventilation de la production, en %). Dans l’ensemble, les énergies fossiles représentent en 2014 plus de 90 % de l’énergie primaire produite, seule l’énergie nucléaire a fait baisser cette part, celle des énergies renouvelables demeurant marginale. Le charbon représentait la quasi-totalité de l’énergie en 1900 contre moins du tiers aujourd’hui, mais sa part stagne depuis le milieu des années 1970, période à laquelle le pétrole atteint la part maximale (50 %), en baisse depuis.

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