Les États et le transnational
Mario Draghi (BCE) et Philipp M. Hildebrand (Vice-président de BlackRock) au Forum Economique Mondial de Davos, janvier 2014
Crédit : World Economic Forum / Remy Steinegger / CC BY NC SA
Mario Draghi (BCE) et Philipp M. Hildebrand (Vice-président de BlackRock) au Forum Economique Mondial de Davos, janvier 2014.
Conférence avec Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne (BCE) et ancien cadre dirigeant de la banque d’affaires américaine Goldman Sachs, et Philipp M. Hildebrand, vice-président de BlackRock, le plus grand fond d’investissement du monde, lors du Forum Economique Mondial de Davos en janvier 2014.
Résumé
Défini par son territoire, sa population, son gouvernement et sa reconnaissance par les pairs, l’État est un modèle d’organisation politique né en Europe à la fin du Moyen ge. Son universalisation, à la faveur notamment de la décolonisation, n’a pas mené à une stabilisation du système international fondé sur l’illusion de la souveraineté.
Quatre éléments sont nécessaires pour définir l’État : un territoire, c’est-à-dire un espace borné par des frontières à l’intérieur desquelles s’exercent, théoriquement, les compétences de l’État de manière pleine et exclusive (principe de souveraineté) ; une population, rattachée par un lien juridique, la nationalité, et le sentiment d’appartenir à une même collectivité ; l’existence d’un gouvernement doté de capacités administratives lui permettant de contrôler son territoire et d’y assurer un monopole de la violence légitime ; la reconnaissance par les autres États de son existence, se traduisant généralement par son adhésion aux organisations internationales comme l’Organisation des Nations unies (ONU). Un certain nombre d’entités répondant peu ou prou aux trois premiers critères de définition d’un État ne le sont pas, faute de consensus sur leur reconnaissance internationale, ce qui les empêche d’agir dans l’espace mondial (en étant partie aux traités, membre des organisations, etc.).
Universalisation du modèle européen
La genèse de l’État moderne remonte conventionnellement aux traités de Westphalie (1648). Ces traités, qui mirent fin aux guerres de religion ravageant l’Europe du xvii e siècle, remodelèrent l’espace européen en posant le principe de souveraineté comme pierre angulaire de la régulation des relations entre puissances. Est ainsi proscrite toute intervention d’un État dans les « affaires intérieures » d’un voisin, par exemple sous prétexte de solidarité confessionnelle. Chaque État étant réputé souverain à l’intérieur de ses frontières, il s’opère une distinction nette entre l’interne policé, où l’État exerce son monopole de la violence légitime, et l’externe, où il n’existe aucune autorité supranationale capable d’imposer des limites à l’action d’un État (par définition souverain). À l’intérieur de ses frontières, l’État assure la sécurité publique sur la base d’un contrat social et protège ses citoyens contre les agressions des puissances étrangères. À l’extérieur, il interagit avec les autres États non seulement sur la base d’un principe d’égalité, via sa diplomatie et en signant librement des traités internationaux, mais également dans le cadre de conflits armés.
Commentaire : Cette carte montre la configuration territoriale issue des traités de paix qui mettent fin à la guerre de Trente Ans : en dehors des royaumes bien établis à l’ouest et au nord et des empires à l’est, de nouveaux États sont reconnus (Pays-Bas et Suisse). Les actuelles Allemagne et Italie, où le conflit a été le plus meurtrier, demeurent morcelées en de multiples petits États partiellement associés au sein du Saint-Empire romain germanique. Les traités de Westphalie établissent le principe de souveraineté des États – invisible dans sa dimension cartographique –, les érigeant au statut de seuls acteurs légitimes des relations internationales.
Alors que d’autres modèles d’organisation politique (empires, peuples nomades, sociétés reposant sur des allégeances tribales ou claniques, ou organisées par un pouvoir théologique, etc.) préexistaient dans de nombreux endroits du monde, le modèle étatique européen s’est généralisé au reste de la planète, en particulier lors du processus de décolonisation, sans pour autant garantir la stabilité du système international. Malgré une égalité juridique (fictive en pratique) entre États et leur égale reconnaissance par les organisations internationales, le monde reste constitué d’entités étatiques très hétérogènes, dont beaucoup ne sont pas fonctionnelles ou peinent à assurer leurs fonctions régaliennes fondamentales (sécurité interne, contrôle du territoire, etc.).
Mondialisation et relations transnationales
Paradoxalement, alors que la prolifération des États continue, le modèle étatique reposant sur un ancrage territorial borné tend à s’affaiblir dans un monde où les interdépendances se renforcent. L’État est de plus en plus démuni face aux acteurs transnationaux qui se multiplient dans les domaines économiques, religieux, sociaux, etc. Le développement des relations transnationales fait perdre à l’État sa capacité de régulation, puisqu’elles se réalisent en échappant, au moins partiellement, à son contrôle ou à son action médiatrice. L’illusion que l’autonomie renforcée (voire l’indépendance) d’une région à l’intérieur d’un État lui redonnerait des capacités régulatrices est alors habilement entretenue par les entrepreneurs identitaires.
Les processus de dérégulation (commerciale, financière, etc.) auxquels les États ont contribué depuis la fin de la seconde guerre mondiale les ont privés d’une partie de leurs capacités d’action, soit en déléguant certaines prérogatives à des entités supranationales (comme le FMI [Fonds monétaire international] qui, lorsqu’il vient en aide à un État défaillant, l’oblige le plus souvent à réorienter ses politiques économiques et sociales), soit en laissant des acteurs privés définir des règles auxquelles les gouvernements doivent se soumettre. Dans le domaine financier en particulier, les marges de manœuvre des États dans le choix de leurs politiques économiques et budgétaires sont de plus en plus limitées par les normes et les règles imposées par les acteurs privés de la finance (banques, agences de notation, etc.), voire par des ONG. La généralisation du recours à des tribunaux d’arbitrage privés pour trancher les litiges entre des gouvernements et des firmes multinationales relève de la même tendance de fond. Cette mise sous surveillance de l’État, dont une grande partie des fonctions régulatrices a été de facto retirée, soulève la question de la légitimité démocratique des nouveaux modes de régulation dominés par des acteurs transnationaux, d’autant qu’ils s’accompagnent souvent d’un démembrement de l’ État-providence et des services publics.
Commentaire : Les fonds d’investissements les plus importants sont tous privés et nord-américains ou européens. Ces acteurs financiers (banque, investissements, gestion de fortune, assurance, etc.) « pèsent » plusieurs milliers de milliards de dollars d’actifs. Lorsqu’ils sont aux mains d’États, ce sont alors des fonds souverains, ils s’appuient sur les forts excédents commerciaux en général (Chine) ou liés au pétrole (Norvège, EAU, Koweït, Arabie Saoudite).
L’influence grandissante des acteurs transnationaux et l’affaiblissement des capacités régulatrices des États se traduisent également par le développement d’ identités transnationales concurrentes aux identités construites sur une base territoriale. Qu’elles soient religieuses, communautaires ou sociales (y compris virtuelles), elles s’opposent parfois directement aux identités nationales découlant d’un vouloir-vivre ensemble (c’est-à-dire d’un contrat social dont l’État est le garant, voire l’initiateur) fondé sur le partage d’un même territoire et sur une proximité géographique.
- territoire > Territoire
- Étendue de surface sur laquelle vit un groupe humain. Ce terme recouvre des sens différents selon les disciplines des sciences sociales. Pour les géographes : espace socialisé, construit, où la distance est continue, dont les limites sont plus ou moins précises et dont les territoires étatiques ne sont qu’une des formes. Pour les sociologues et les politistes : un territoire est la construction sociale d’un espace dont le bornage par des frontières en fait le principe structurant d’une communauté politique et permet d’imposer l’autorité de l’État et son contrôle sur la population. Il est lié au contexte, à l’histoire et aux acteurs de sa construction. Max Weber associe étroitement l’État moderne rationnel-légal au critère de territorialité.
- espace > Espace
- Terme aux sens et usages multiples, catégorie bien moins abordée par les philosophes que celle du temps et qui a longtemps constitué une difficulté théorique (non consensuelle) pour les géographes dont ce devrait être l’objet central. Contrairement aux représentations courantes d’une étendue naturelle que rempliraient les sociétés, l’espace est un produit social sans cesse reconstruit par les interactions sociales. Il constitue l’une des dimensions de la vie sociale, à la fois matérielle et culturelle. Parler d’espace social n’augure pas de sa forme, territoriale, réticulaire, ou les deux à la fois.
- frontières > Frontière
- Ligne au-delà de laquelle cesse la souveraineté étatique. Elle se distingue des marges floues ou limites des empires. N’ayant rien de naturel, ces constructions historiques lentes, plus ou moins endogènes, et plus ou moins objet de contestations et de violence, sont profondément modifiées par les processus de mondialisation contemporains. Les intégrations régionales les transforment, les atténuent, voire les suppriment et les repoussent ; les acteurs transnationaux les traversent ou les contournent en même temps qu’elles se sont fermées aux migrations et que de nouvelles frontières (sociales, culturelles) sont érigées.
- souveraineté > Souveraineté
- Notion politique conçue au Moyen Âge afin de légitimer l’indépendance d’États naissants (France, Angleterre) à l’égard du Pape et de l’Empereur, et reprise par de nombreux théoriciens (Bodin, Grotius, Schmitt). Désigne la prétention de l’État à ne reconnaître aucune autorité supérieure à la sienne sur son territoire. Elle justifie des représentations politiques et juridiques plus qu’elle ne décrit les rapports de pouvoir existants. Socle du système international, des principes d’égalité juridique entre les États et de non-intervention dans les affaires intérieures, elle s’oppose à l’ingérence. Dans les États démocratiques, elle est attribuée au peuple « souverain », qui légitime les institutions et les gouvernants par son vote. Les processus d’intégration régionale se construisent à partir de délégations de souveraineté des États.
- nationalité > Nationalité
- Juridiquement, la nationalité exprime l’appartenance légale d’un individu à un État, selon les règles édictées par celui-ci. La nationalité provient d’une filiation (droit du sang), de la naissance sur un territoire (droit du sol), ou s’acquiert par naturalisation. La notion de nationalité est liée au développement de l’État-nation et à la notion de citoyenneté, bien que les statuts de ressortissant et de citoyen ne se recoupent pas systématiquement (régimes non démocratiques, discrimination de certaines catégories de population selon des critères ethniques, religieux, linguistiques ou sociaux).
- reconnaissance > Reconnaissance
- Validation par un individu, un groupe ou une institution d’une pratique, d’une situation ou d’une identité revendiquée. Intrinsèquement relationnelle et socialisatrice, la reconnaissance peut être formelle ou informelle, réciproque ou unilatérale. La réflexion sur la reconnaissance, très présente en philosophie (notamment chez Hegel), a fait l’objet de développements plus récents en sciences sociales autour de la « lutte pour la reconnaissance » (Axel Honneth) et du déni de reconnaissance. La reconnaissance internationale est un acte discrétionnaire par lequel un sujet de droit international (généralement un État ou une organisation internationale) accorde une valeur juridique à une situation ou une action (accession au pouvoir d’un gouvernement de façon non constitutionnelle, déclaration unilatérale d’indépendance, intervention militaire, etc.).
- organisations internationales > Organisation internationale
- Selon Clive Archer, une OI est « une structure formelle, durable, établie par un accord entre ses membres (gouvernementaux et/ou non gouvernementaux), à partir de deux ou plusieurs États souverains, dans le but de poursuivre un intérêt commun aux membres ». Marie-Claude Smouts désigne trois traits distinctifs des OI : elles procèdent d’un « acte fondateur » (traité, charte, statut), s’inscrivent dans un cadre matériel (siège, financement, personnel), et constituent un « mécanisme de coordination ».
- moderne > Moderne
- Définie suivant le modèle des pays les plus industrialisés vers lequel, dans une perspective évolutionniste, convergeraient toutes les sociétés dites moins avancées, la modernité se caractérise essentiellement par la place croissante de l’économie, de l’innovation technique, des régimes démocratiques de type occidental, ou encore de la bureaucratie rationnelle légale. Cette conception, dénoncée par maints travaux pour son évolutionnisme naïf, reste implicitement présente dans de nombreux discours d’acteurs politiques et dans un grand nombre de recherches. Sont qualifiés de postmodernes des courants artistiques et philosophiques de la seconde moitié du xxe siècle qui critiquent et déconstruisent la notion de modernité.
- Westphalie
- Signés en 1648 par les pays d’Europe (sauf l’Angleterre et la Russie), les traités de Westphalie mettent fin à la guerre de Trente Ans (Suède, France, Espagne et Saint-Empire romain germanique). Outre un remodelage territorial de l’Europe centrale, ils consacrent l’adoption de nouveaux principes politiques : 1/ sécularisation progressive de la politique, 2/ effondrement de la politique hégémonique, impériale et catholique des Habsbourg, à laquelle succède une conception d’équilibre européen politique et religieux qui doit assurer la paix, 3/ renforcement de l’identité et de l’indépendance des États dotés de frontières précises, reconnues par les autres, et à l’intérieur desquelles le prince ou le monarque exerce sa souveraineté, 4/ mise en place d’armées permanentes. En référence à ces traités, on parle d’un « ordre » ou d’un « modèle » westphalien.
- religion > Religieux
- Il n’existe pas d’acception universelle de la notion de religion, pas plus qu’il n’existe de distinction claire entre religion et secte. De manière générale, une religion est un système de croyances impliquant une distinction entre le profane et le sacré, et se manifeste par un ensemble d’actes rituels permettant de matérialiser cette distinction. Est religieux celui qui pratique ou revendique une religion, mais également celui qui fait de la religion sa profession et y consacre sa vie.
- régulation > Régulation
- Le terme régulation désigne l’ensemble des processus et des mécanismes qui permettent le fonctionnement normal et régulier d’un système. Appliquée à l’international, l’expression désigne l’ensemble des processus, des mécanismes et des institutions qui œuvrent à la correction des déséquilibres susceptibles de menacer l’ordre mondial ainsi qu’à la prévisibilité du comportement des acteurs, donc à la stabilité. Elle est étroitement liée aux notions de gouvernance et de biens publics mondiaux.
- puissances > Puissance
- Capacité d’un acteur politique à imposer sa volonté aux autres. Comparable à la notion de pouvoir à l’échelle interne, la puissance n’existe pas dans l’absolu mais s’inscrit dans la relation à l’autre puisqu’elle dépend des rapports de force et de la perception qu’en ont les acteurs. Pivot de l’approche réaliste des relations internationales, elle y est conçue dans un registre géostratégique (hard power fondé sur la contrainte et la coercition, notamment militaire). La vision transnationaliste en propose une interprétation plus diversifiée, intégrant des facteurs d’influence (soft power économique, culturel, etc., de Joseph Nye) et soulignant l’importance de maîtriser les différents registres de puissance, du hard au soft (« puissance structurelle » de Susan Strange).
- contrat social > Contrat social
- Conçu en Occident aux xvie et xviie siècles, le contrat social désigne l’accord par lequel les êtres humains décident de quitter un état de nature supposé originel pour former une communauté politique. Le contractualisme marque une rupture avec la conception théologique du pouvoir et de sa légitimité en vigueur depuis le Haut Moyen Âge. C’est désormais le peuple – et non plus la volonté divine – qui devient la source du pouvoir civil, le pouvoir des gouvernants reposant sur le consentement des gouvernés (Grotius, Pufendorf, Locke, Rousseau, Hobbes). Au xviiie siècle, la thèse du contrat social nourrit les aspirations libérales et démocratiques à limiter le pouvoir au nom de la volonté générale. Au xxe siècle, elle inspire les réflexions de philosophes sur la justice (John Rawls) ou la démocratie délibérative.
- conflits > Guerre
- Affrontement violent entre groupes armés sur des valeurs, des statuts, des pouvoirs ou des ressources rares, et dans lequel le but de chacun est de neutraliser, d’affaiblir ou d’éliminer ses adversaires. Cette violence armée collective organisée peut être le fait d’États (via leurs armées nationales) ou de groupes non étatiques ; elle peut opposer plusieurs États (guerre interétatique) ou se dérouler à l’intérieur d’un État (guerre civile). Progressivement codifiées et encadrées par le droit, les premières sont devenues rares, tandis que les secondes, aujourd’hui essentiellement causées par la défaillance institutionnelle des États, tendent à s’internationaliser, à perdurer (parfois des décennies) et à être extrêmement meurtrières, surtout pour les populations civiles.
- empires > Empire
- Système politique reposant sur la diffusion d’une structure politique à prétention universaliste, l’empire est dirigé par une puissance centrale qui assujettit les populations situées à sa périphérie, à la suite de conquêtes militaires. Il est fréquemment composé de plusieurs entités nationales, ethniques ou religieuses (exemples : empires romain, byzantin, ottoman, napoléonien, russe, austro-hongrois, etc.). Les empires perdurent généralement grâce à une exploitation économique, en particulier dans le cas des empires coloniaux. Les empires se distinguent des États en ce qu’ils sont délimités par des marches floues plutôt que par des frontières encadrant nettement un territoire sur lequel l’autorité politique s’exerce de manière exclusive (marges/limes).
- nomades > Nomade
- Le nomadisme pastoral pour lequel le territoire est un parcours de lieu en lieu régresse sous l’effet de contraintes étatiques (contrôle des frontières, contrôle social, attribution de territoires et de points d’eau, coupure des parcours), de crises politiques et de conflits, de politiques de développement inadéquates et de crises climatiques et écologiques. La sédentarisation en milieux urbains précaires mène à la disparition des nomades ou à leur rébellion (Touaregs). On qualifie aussi de nomadisme les mobilités contemporaines (physiques et virtuelles) à l’échelle planétaire. Métropolisation, mobilité résidentielle, tourisme international, délocalisations/relocalisations des entreprises, migrations, développement des technologies de l’information modifient les rapports aux lieux et les comportements.
- décolonisation > Décolonisation
- Les empires issus des deux grandes vagues de colonisation sont remis en question par les colonisés dès l’entre-deux-guerres pour s’effondrer après la seconde guerre mondiale. Le Royaume-Uni s’appuie sur le Commonwealth pour sortir du colonialisme avec une relative souplesse, alors que la France perd deux guerres en Indochine et en Algérie. En 1955, la conférence de Bandung réunit les représentants de vingt-neuf pays qui marquent leur soutien aux luttes d’indépendance. L’Espagne et le Portugal sont les derniers États européens à s’accrocher à leurs empires, lesquels s’effondrent en 1975. Si les empires coloniaux ont tous disparu, ils ont laissé des traces dans des territoires qui revendiquent leur indépendance. Depuis un demi-siècle se maintient un processus de colonisation israélien en Palestine.
- système international > Système international
- Concept phare de l’approche réaliste des relations internationales, le système international désigne l’ensemble d’acteurs qui entretiennent des relations suffisamment régulières pour que « le comportement de l’un soit un facteur nécessaire dans le calcul présidant au comportement de tous les autres » (Hedley Bull). Construit par la perception des acteurs, il est constitué de sous-systèmes (géographiques ou fonctionnels : stratégique, commercial, énergétique, etc.) qui interagissent les uns par rapport aux autres.
- interdépendances > Interdépendance
- Mode de relation fondée sur une interaction dense et continue entre entités sociales et politiques, conduisant à une réduction de l’autonomie de chacune d’entre elles qui se trouvent en partie reconstruites l’une en fonction de l’autre. Appliquée aux États notamment dans le contexte de la mondialisation, elle implique une réduction ou une modulation de la souveraineté, de même qu’une relativisation de la puissance : l’interdépendance suppose en effet une dépendance du faible à l’égard du fort, tout autant qu’une dépendance partielle du fort à l’égard du faible.
- acteurs transnationaux > Acteur transnational
- L’acteur transnational agit dans l’espace mondial, seul ou en réseau, en dépassant le cadre étatique national. Il échappe en partie au contrôle ou à l’action médiatrice des États.
- entrepreneurs identitaires > Entrepreneur politique
- Au sens de Max Weber, l’entrepreneur gère un groupe organisé disposant d’une direction administrative et poursuivant un but précis. L’entrepreneur identitaire ou religieux désigne ainsi tout agent mobilisant des symboles identitaires ou religieux au bénéfice de son capital politique, social, voire économique.
- dérégulation > Dérégulation
- Processus consistant à assouplir, voire à supprimer, l’encadrement légal et les normes en vigueur, en particulier dans les domaines économique et financier. Cette tendance de fond, à l’œuvre partout dans le monde depuis les années 1970, repose sur un fondement idéologique. Elle est défendue par les tenants du libéralisme économique, pour qui la régulation des activités économiques et financières par les gouvernements est indésirable car elle constitue un obstacle au bon fonctionnement des marchés.
- État-providence
- En rupture avec la conception classique de l’État libéral, l’État-providence et ses pratiques émergent en Europe à la fin du xixe siècle. La crise des années 1930, puis la seconde guerre mondiale nécessitent son extension. L’État devient fortement redistributeur (modification de la répartition primaire des revenus par reversement sous forme de prestations sociales des sommes prélevées par l’impôt et les cotisations sociales), en particulier durant les Trente Glorieuses. Son rôle est fortement remis en question par les processus de mondialisation et les tenants du néolibéralisme, alors même que la crise économique rend plus nécessaire l’existence d’un filet de protection sociale.
- services publics > Service public
- Activité d’intérêt général exercée par une collectivité publique, ou un organisme privé sous le contrôle de l’administration. Les missions attribuées au service public se sont étendues, des fonctions régaliennes traditionnelles (police, défense, justice, finances publiques, diplomatie) au secteur administré non marchand (éducation, santé, protection sociale, activités culturelles et sportives, etc.) et au secteur marchand, industriel et commercial (transports, énergie, eau, télécommunications, etc.). Le service public repose sur quelques principes fondamentaux : l’égalité d’accès et de traitement des usagers, la continuité, l’accessibilité, la neutralité et la transparence des services, et leur adaptation aux évolutions de l’intérêt général. Les notions de service d’intérêt général et de service universel, déployées au sein des institutions européennes et de certaines institutions internationales, redéfinissent – non sans controverses – le périmètre de l’action publique face à la libéralisation de certains de ses secteurs.
- identités > Identité
- Notion ambiguë, plurielle, subjective, souvent instrumentalisée ou manipulée. Aucune identité n’est prédestinée ni naturelle, mieux vaut donc parler de construction identitaire, ou de processus de construction de représentations élaborées par un individu ou un groupe. Ces représentations ne sont ni stables ni permanentes et définissent l’individu ou le groupe à la fois par lui-même, par rapport ou en opposition aux autres, et par les autres. Les individus et les groupes en usent selon leurs intérêts et les contraintes propres à la situation dans laquelle ils se trouvent ; il s’agit donc d’une construction dans l’interaction. Cette combinaison d’appartenances, d’allégeances et de reconnaissance interne et externe est un processus complexe, plus ou moins conscient et contradictoire, toujours dans la combinaison et la recomposition.
- communautaires > Communautaire
- Notions apparues à la fin des années 1970 dans la science politique, qui désignent la construction de l’identité, de l’appartenance et de l’allégeance sur des bases ethniques, linguistiques, religieuses ou sociologiques, à côté, voire contre l’État et le contrat social qu’il est censé garantir. La mondialisation contemporaine modifie profondément le rôle des États et des individus d’une part, les rapports complexes entre universalisme et particularisme d’autre part, ouvrant ainsi des espaces à l’émergence de multiples formes de communautarisme.
- géographique > Géographie
- Géographie : science sociale qui a pour objet la connaissance de la production et de l’organisation de l’espace. Cet espace sert à la reproduction sociale ; il est différencié et organisé. Géographie politique : étude de la dimension spatiale de l’organisation politique, généralement au sein des États. Géohistoire : étude géographique des processus historiques (diachronique).