Miettes d’empires, États manqués
Opération de Désarmement, Démobilisation et Réintégration (DDR) de l'ONU, Abidjan, Côte d'Ivoire, 2012
Crédit : UN Photo / Patricia Esteve
Opération de Désarmement, Démobilisation et Réintégration (DDR) de l'ONU, Abidjan, Côte d'Ivoire, 2012.
Parmi les nombreux États issus des empires coloniaux, certains ont été dits après la fin de la guerre froide « manqués », « effondrés » ou « faillis ». Leur faiblesse, l’échec des politiques de développement ont laissé place aux entrepreneurs de violence qui mobilisent (y compris des enfants soldats) contre l’État, selon les cas sur des bases régionales, ethniques ou religieuses. Pour tenter de reconstruire ces États et ces sociétés l’ONU a développé un processus politique, social et économique post-conflit consistant à désarmer combattants et populations civiles (rassembler, enregistrer, contrôler et éliminer armes, munitions, explosifs...), démobiliser (libération contrôlée des membres des groupes armés et réintégrer (restitution de leur statut de civil et en aide à la recherche de revenus réguliers).
Résumé
Invention européenne du XVII e siècle, l’État-nation s’est diffusé au monde entier au gré des vagues de colonisations et décolonisations ; sept individus sur dix dans le monde ont un passé colonial et les États dits faillis témoignent de la difficile généralisation du modèle européen de l’État-nation. D’anciens liens coloniaux perdurent sous différentes formes, nationalité et citoyenneté se recouvrent rarement et des peuples sont en attente d’État.
Commentaire : Cette carte construite à partir de la compilation de plusieurs atlas historiques utilise une projection qui met en évidence l’espace atlantique où se situe la ligne de partage, arbitrée par la papauté, entre les deux puissances coloniales de la fin du xve siècle (les empires espagnol et portugais). Elle montre deux formes spatiales différentes : le réseau mondial des comptoirs portugais jusqu’à la Chine d’une part, et la logique territoriale andine des conquêtes espagnoles d’autre part.
Invention européenne du xvii e siècle, l’ État-nation est l’adéquation d’un territoire, d’une nation et d’un gouvernement. Colonisations et décolonisations ont diffusé ce modèle avec plus ou moins de succès à travers la planète. Sa version « à la française », où la nation est produite par l’État et où s’applique le droit du sol, se révèle souvent inadaptée aux États dotés de frontières découpées par les puissances coloniales. Sa version « à l’allemande », fondée sur le partage d’une culture « héréditaire » et sur le droit du sang, a provoqué épurations et massacres ethniques au xx e siècle. De fait, nationalité et citoyenneté se recouvrent rarement. Les rythmes et modalités de la diffusion du principe étatique varient selon les continents, les objectifs et les pratiques des colonisateurs et des colonisés. Dès le début du xix e siècle, l’Amérique latine est divisée en États indépendants territorialement stables.
Fins et traces d’empires
Avec ou sans guerre de décolonisation, les empires austro-hongrois et ottoman s’effondrent à l’issue de la première guerre mondiale, puis, durant la seconde moitié du xx e siècle, les empires coloniaux anglais, français et portugais subissent le même sort. Enfin, l’éclatement de l’URSS et de la Yougoslavie durant les années 1990 produit une vingtaine de nouveaux États. Au total, près de cent cinquante États sont issus de quatorze empires coloniaux ou multinationaux.
Commentaire : Cette collection de cartes montre l’histoire des découpages de l’Afrique de la fin du xixe siècle à nos jours. La première représente les premières concurrences coloniales juste avant la Conférence de Berlin (1885), durant laquelle les puissances européennes se partagent le continent ; la deuxième en montre le résultat territorial à la veille de la première guerre mondiale, issue en partie de l’aggravation de ces concurrences impériales ; la troisième illustre la fin du processus avec les décolonisations, plus ou moins violentes, depuis la fin des années 1950, dessinant la carte des États africains actuels.
Dans le monde, sept individus sur dix ont un passé colonial. D’anciens liens coloniaux perdurent et se manifestent sous différentes formes : partenariats publics, investissements directs étrangers, flux migratoires, minorités nationales, diasporas, diplomatie culturelle et linguistique, liens universitaires ou appui militaire ou policier. Ces coopérations peuvent être construites ou perçues comme de nouvelles formes d’allégeance impérialiste, voire d’ ingérence. Depuis les années 1980, les approches dites postcoloniales (postcolonial studies), initialement en provenance de pays anglophones et d’anciennes colonies britanniques, contestent l’ ethnocentrisme occidental, redonnent une place à l’histoire et à la culture des anciens pays colonisés, et réévaluent les conséquences culturelles du fait colonial (rencontre de l’ altérité, représentations croisées, hybridations, transculturalisme, etc.).
États « faillis » ?
Avec la fin de la bipolarité, le déclin du tiers-mondisme et les difficultés des États postcoloniaux apparaît la notion d’ État effondré (expression du politologue américain William Zartman en 1995) dont la Somalie est l’exemple. Au cours de la même période, la Banque mondiale en appelle à la bonne gouvernance dans les pays du Sud (dans son Rapport de 1997). Puis la notion d’ État failli désigne les États dans l’incapacité d’assurer le contrôle de leur territoire national, la mise en place et le suivi des services de base pour leurs populations (eau, éducation, santé, etc.) et leur protection vis-à-vis des ingérences extérieures.
À partir du 11 septembre 2001 cette notion devient de plus en plus instrumentale dans le cadre de la lutte contre le terrorisme que la faillite des États nourrirait. Face à cette menace pour la paix, l’ensemble des bailleurs de fonds et organisations internationales doivent agir pour les reconstruire (state building). Issues de l’expertise à destination des gouvernements conservateurs, ces notions ont été critiquées par de nombreux chercheurs en sciences sociales pour leur manque de clarté, leurs présupposés ethnocentrés et idéologiques et leur peu d’intérêt pour les pathologies sociales qui minent les pays concernés. The Failed States Index, conçu en 2005 par un think tank américain, combine 12 variables ayant trait à la société, à l’économie, à la politique afin de qualifier et classer les États dits fragiles, faillis (failed) ou défaillants (failing). Depuis, de nombreux autres index ont été proposés, plus complets mais qui n’échappent pas à la conception d’universalisation d’un modèle westphalien classique dont ces nouveaux États montrent justement la faillite. La mondialisation accélérée, l’augmentation des flux transnationaux, le rôle croissant des acteurs non étatiques, l’échec des politiques de développement et l’aggravation des inégalités condamnent l’échec de ces programmes et actions de reconstruction d’États dont les problèmes sociaux alimentent des conflits qui s’internationalisent.
L’Assemblée générale de l’ONU déclare en 1960 que tous les peuples ont le droit de déterminer librement leur statut politique et leur développement économique, social et culturel. Aujourd’hui, non seulement les processus de décolonisation ne sont pas terminés, mais encore de nombreux peuples ne se reconnaissent pas dans les États aux territoires issus des découpages coloniaux où leur altérité et leurs droits ne sont pas pris en compte. Les minorités (quantitatives ou qualitatives, selon la langue, l’ ethnie, la religion, etc.) sont très nombreuses dans le monde et de statuts très divers. La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (2006-2007) réaffirme les principes et les droits, mais tarde à produire ses effets. Les peuples sans État tentent de s’organiser à l’échelle mondiale pour se faire entendre, notamment depuis 1991 au sein de l’ UNPO (Unrepresented Nations and Peoples Organization) qui affirme en 2017 regrouper 44 membres allant des peuples indigènes aux minorités, aux États non reconnus et aux territoires occupés.
- État-nation
- Voir État, Nation
- nation > Nation
- Communauté politique fondée sur la conscience de caractéristiques partagées et/ou d’une volonté de vivre ensemble. On oppose habituellement une conception politique et une conception culturelle de la nation, qui, dans la pratique, s’influencent mutuellement et tendent à se rapprocher. Dans la conception politique, la nation est inventée et produite par un État, le territoire précède la nation et en dessine les contours (conception dite française, fondée sur le creuset républicain et le droit du sol). Dans l’acceptation culturelle de la nation, une culture communément partagée produit la nation. Le projet national consiste à rassembler cette population sur un même territoire (conception culturelle ou romantique ou « allemande » de la nation, fondée sur le droit du sang). Cette conception est en soi porteuse de conflits et peut conduire à l’épuration ethnique ou au génocide (Allemagne nazie, Grande Serbie, etc.).
- Colonisations > Colonisation
- Processus historique qui lie profondément l’Europe au reste du monde. À partir de la fin du xve siècle (grandes découvertes), un vaste mouvement de domination économique, politique et culturelle du monde commence au profit de l’Espagne, du Portugal puis de l’Angleterre, de la France et de la Hollande qui entrent en concurrence pour l’appropriation des richesses à partir de la fin du xvie siècle. Une deuxième vague de colonisation se déroule au xixe siècle, alors que les pays d’Amérique du Sud issus des deux premiers empires sont déjà tous indépendants. La révolution industrielle pousse à la recherche de marchés et la France et l’Angleterre s’affrontent pour le partage d’une partie de l’Asie et de l’Afrique. Les territoires colonisés ont des statuts variables (dominions, protectorats, administration directe).
- frontières > Frontière
- Ligne au-delà de laquelle cesse la souveraineté étatique. Elle se distingue des marges floues ou limites des empires. N’ayant rien de naturel, ces constructions historiques lentes, plus ou moins endogènes, et plus ou moins objet de contestations et de violence, sont profondément modifiées par les processus de mondialisation contemporains. Les intégrations régionales les transforment, les atténuent, voire les suppriment et les repoussent ; les acteurs transnationaux les traversent ou les contournent en même temps qu’elles se sont fermées aux migrations et que de nouvelles frontières (sociales, culturelles) sont érigées.
- puissances > Puissance
- Capacité d’un acteur politique à imposer sa volonté aux autres. Comparable à la notion de pouvoir à l’échelle interne, la puissance n’existe pas dans l’absolu mais s’inscrit dans la relation à l’autre puisqu’elle dépend des rapports de force et de la perception qu’en ont les acteurs. Pivot de l’approche réaliste des relations internationales, elle y est conçue dans un registre géostratégique (hard power fondé sur la contrainte et la coercition, notamment militaire). La vision transnationaliste en propose une interprétation plus diversifiée, intégrant des facteurs d’influence (soft power économique, culturel, etc., de Joseph Nye) et soulignant l’importance de maîtriser les différents registres de puissance, du hard au soft (« puissance structurelle » de Susan Strange).
- citoyenneté > Citoyen
- Issue de l’Antiquité, la citoyenneté désigne la jouissance des droits civiques et politiques au sein des régimes démocratiques (droit de vote, droit d’éligibilité, exercice des libertés publiques). Accordant des droits et des obligations aux citoyens, elle fonde la légitimité de l’État sur le primat de la souveraineté populaire. La citoyenneté est une composante du lien social, les citoyens formant une communauté politique (théorie du contrat social) à laquelle ils doivent une allégeance prioritaire. Selon les périodes et les pays, elle est refusée à certaines catégories de population : femmes, esclaves, pauvres, analphabètes, militaires, étrangers, mineurs. Le traité de Maastricht (1992) a créé une citoyenneté européenne au sein de l’Union européenne.
- guerre > Guerre
- Affrontement violent entre groupes armés sur des valeurs, des statuts, des pouvoirs ou des ressources rares, et dans lequel le but de chacun est de neutraliser, d’affaiblir ou d’éliminer ses adversaires. Cette violence armée collective organisée peut être le fait d’États (via leurs armées nationales) ou de groupes non étatiques ; elle peut opposer plusieurs États (guerre interétatique) ou se dérouler à l’intérieur d’un État (guerre civile). Progressivement codifiées et encadrées par le droit, les premières sont devenues rares, tandis que les secondes, aujourd’hui essentiellement causées par la défaillance institutionnelle des États, tendent à s’internationaliser, à perdurer (parfois des décennies) et à être extrêmement meurtrières, surtout pour les populations civiles.
- empires > Empire
- Système politique reposant sur la diffusion d’une structure politique à prétention universaliste, l’empire est dirigé par une puissance centrale qui assujettit les populations situées à sa périphérie, à la suite de conquêtes militaires. Il est fréquemment composé de plusieurs entités nationales, ethniques ou religieuses (exemples : empires romain, byzantin, ottoman, napoléonien, russe, austro-hongrois, etc.). Les empires perdurent généralement grâce à une exploitation économique, en particulier dans le cas des empires coloniaux. Les empires se distinguent des États en ce qu’ils sont délimités par des marches floues plutôt que par des frontières encadrant nettement un territoire sur lequel l’autorité politique s’exerce de manière exclusive (marges/limes).
- minorités > Minorité
- Tout groupe social qui, dans une société donnée, se trouve en situation d’infériorité par rapport à un groupe dominant. Cette situation s’exprime de façon quantitative, mais se définit aussi par référence à des données qualitatives de nature culturelle (minorités linguistiques, religieuses, ethniques, nationales, voire sociales). L’appartenance à une minorité peut faire l’objet d’une auto-identification, d’une assignation identitaire, de différents types de discriminations. Elle peut déboucher sur des politiques d’ingénierie sociale, de discrimination positive ou négative, ou encore des demandes de protection et de reconnaissance.
- diasporas > Diaspora
- Ensemble de communautés dispersées, souvent sur de très grandes distances, qui restent liées par des échanges économiques, financiers et culturels et se réfèrent à un territoire et une culture d’origine. L’accélération des processus de mondialisation et l’augmentation du nombre des migrants ont stimulé les diasporas anciennes (juive, grecque, arménienne, chinoise, indienne) et en ont créé de nouvelles (pays du Sud). La capacité à préserver les références culturelles d’origine au-delà des générations et indépendamment de la distance est fonction de la densité des réseaux transnationaux qu’elles construisent. Par extension le terme est utilisé par les gouvernements du Sud pour désigner leurs travailleurs migrants au Nord, dont les remises contribuent au PIB.
- impérialiste > Impérialisme
- Désignant initialement une stratégie ou une doctrine politique d’expansion coloniale, l’impérialisme instaure un rapport de domination politique, économique ou culturelle d’un État sur un ou plusieurs autres. De manière plus récente, il concerne également la domination économique, culturelle ou juridique d’un acteur international (éventuellement non étatique) sur un autre (rapports Nord-Sud, hégémonie culturelle, etc.). Cette notion est notamment utilisée par les analystes marxistes, pour lesquels l’impérialisme est lié au mode de production capitaliste.
- ethnocentrisme > Ethnie
- L’ethnie est une catégorie descriptive apparue à la fin du xixe siècle, construite par les anthropologues et diffusée par les administrateurs coloniaux. Contrairement à la race, elle ne fait pas référence à des critères biologiques mais désigne un groupe d’individus ayant la même origine, la même tradition culturelle, et dont l’unité s’appuie sur la langue, l’histoire, le territoire, les croyances et la conscience d’appartenir au groupe ethnique. Prétendue naturelle, l’ethnie est pourtant un construit social, subi ou revendiqué, à la fois arbitraire et évolutif. Posée comme identité exclusive, elle devient un instrument de mobilisation politique d’autant plus puissant que l’État est en difficulté. L’ethnocentrisme consiste à ne lire le monde qu’à travers sa propre culture et à vouloir imposer cette interprétation.
- altérité > Altérité
- L’altérité tient au caractère de ce qui est « autre », extérieur à la référence que constituent les propriétés d’un individu ou d’un environnement socio-politique ou culturel donné. Elle est ici employée dans un sens principalement culturel et politique.
- hybridations > Hybridation
- Croisement entre deux variétés d’une même espèce, l’hybridation renvoie par extension à la formation de tout système politique, religieux, institutionnel, économique, culturel, etc., synthétisant différentes influences.
- bipolarité > Bipolarité
- Ces termes renvoient à la répartition de la puissance dans le système international. Selon le nombre de puissances qui dominent (une, deux ou plusieurs), la configuration est qualifiée respectivement d’unipolaire, de bipolaire ou de multipolaire. À des débats, qui animent surtout les courants réalistes en relations internationales, répond l’idée d’apolarité qui souligne la non-pertinence de la lecture de l’espace mondial en termes de pôles de puissance du fait des transformations de cette dernière.
- tiers-mondisme > Tiers-monde
- La formule tiers-monde, apparue en 1952 sous la plume d’Alfred Sauvy, démographe français, semble datée depuis la fin de la guerre froide. Ainsi dénommé en référence au tiers-état de la Révolution française (Sieyès), le tiers-monde désigne, selon lui, les États, principalement du Sud, qui « ignoré[s], exploité[s], méprisé[s] […] veu[lent] eux aussi être quelque chose ». La volonté de ces acteurs d’imposer des débats Nord/Sud (notamment sur le développement) et plus seulement Est-Ouest souligne la dimension contestataire de leur mobilisation.
- État effondré
- État incapable d’assurer la sécurité de sa population (fin du contrat social) et le contrôle de son territoire (fin de la souveraineté). Le pays se trouve alors dans une situation de non-gouvernement, génératrice de violence pouvant mener à l’éclatement (par exemple, Congo, Somalie, Afghanistan, etc.). Une telle qualification par la communauté internationale peut toutefois s’avérer arbitraire et masquer des jeux d’intérêts et de puissance.
- gouvernance > Gouvernance
- Inspirée de la gestion et de l’entreprenariat, l’expression gouvernance globale renvoie aux institutions formelles et informelles, mécanismes et processus par lesquels s’établissent et se structurent les relations entre États, citoyens, marchés et organisations internationales et non gouvernementales à l’international. Le système de gouvernance globale tend à articuler les intérêts collectifs, à établir des droits et obligations, à arbitrer les différends et à déterminer les modes de régulation appropriés aux objets et acteurs concernés. La gouvernance prend différentes formes : gouvernance multilatérale universelle, gouvernance de club (réservée à certains membres comme le G7/8/20), gouvernance polycentrique (juxtaposition d’instruments de régulation et de gestion à différentes échelles), etc.
- Sud
- Voir Nord et Sud
- État failli > État effondré
- État incapable d’assurer la sécurité de sa population (fin du contrat social) et le contrôle de son territoire (fin de la souveraineté). Le pays se trouve alors dans une situation de non-gouvernement, génératrice de violence pouvant mener à l’éclatement (par exemple, Congo, Somalie, Afghanistan, etc.). Une telle qualification par la communauté internationale peut toutefois s’avérer arbitraire et masquer des jeux d’intérêts et de puissance.
- terrorisme > Terrorisme
- Méthode d’action violente inspirant l’anxiété (la terreur) et généralement utilisée dans une relation asymétrique (le faible s’attaque au fort). Au contraire de l’acte de guerre ou de l’assassinat politique où la cible (l’ennemi) est directement visée par la violence, les victimes du terrorisme sont instrumentales, le but des terroristes étant, à travers la médiatisation de leur violence, de créer un climat de peur et d’insécurité chez tous ceux qui en sont les témoins, et de provoquer ainsi un chaos social, juridique et politique censé affaiblir les États ou les sociétés visés. En l’absence d’une définition unanime du terrorisme, le terme est fréquemment utilisé pour délégitimer les actions de ses adversaires, sans que ceux-ci ne se revendiquent eux-mêmes terroristes.
- paix > Paix
- La définition de la paix fait l’objet de nombreux débats. Une définition restrictive de la paix l’entend comme l’absence de conflit (paix négative). Les peace studies ont réinterprété cette définition en intégrant les conditions de réalisation de la paix : la paix positive correspond à l’intégration au sein de la société humaine. Associée au concept de violence structurelle, la paix positive est alors entendue plus largement comme la justice sociale. Parmi les différentes théories de la paix, la paix démocratique ou paix libérale affirme, non sans critique, que les démocraties libérales n’entrent pas en guerre entre elles et ne combattent que des États non libéraux (cette approche nuance le postulat de Kant, Vers la paix perpétuelle, 1795).
- organisations internationales > Organisation internationale
- Selon Clive Archer, une OI est « une structure formelle, durable, établie par un accord entre ses membres (gouvernementaux et/ou non gouvernementaux), à partir de deux ou plusieurs États souverains, dans le but de poursuivre un intérêt commun aux membres ». Marie-Claude Smouts désigne trois traits distinctifs des OI : elles procèdent d’un « acte fondateur » (traité, charte, statut), s’inscrivent dans un cadre matériel (siège, financement, personnel), et constituent un « mécanisme de coordination ».
- westphalien > Westphalie
- Signés en 1648 par les pays d’Europe (sauf l’Angleterre et la Russie), les traités de Westphalie mettent fin à la guerre de Trente Ans (Suède, France, Espagne et Saint-Empire romain germanique). Outre un remodelage territorial de l’Europe centrale, ils consacrent l’adoption de nouveaux principes politiques : 1/ sécularisation progressive de la politique, 2/ effondrement de la politique hégémonique, impériale et catholique des Habsbourg, à laquelle succède une conception d’équilibre européen politique et religieux qui doit assurer la paix, 3/ renforcement de l’identité et de l’indépendance des États dotés de frontières précises, reconnues par les autres, et à l’intérieur desquelles le prince ou le monarque exerce sa souveraineté, 4/ mise en place d’armées permanentes. En référence à ces traités, on parle d’un « ordre » ou d’un « modèle » westphalien.
- acteurs > Acteur
- Individu, groupe, organisation dont les actions affectent la distribution des valeurs et ressources à l’échelle planétaire. L’État a longtemps été considéré comme l’acteur principal sur la scène internationale, mais les acteurs non étatiques se sont multipliés et diversifiés (firmes, organisations non gouvernementales, groupes d’intérêt, mafias, acteurs religieux, etc.) au cours des décennies récentes. La mondialisation contemporaine se traduit par la complexification des rapports entre ces acteurs.
- développement > Développement
- Les définitions du développement et de son contraire – le sous-développement – ont beaucoup varié selon les objectifs politiques et les postures idéologiques de ceux qui les énonçaient. Au cours des années 1970, Walt Whitman Rostow le conçoit comme une dynamique quasi mécanique d’étapes successives de croissance économique et d’améliorations sociales, alors que Samir Amin analyse les rapports centre/périphéries, le premier fondant son développement sur l’exploitation des secondes. En Amérique latine, la théorie de la dépendance dénonçait l’ethnocentrisme du modèle universel d’un simple retard à rattraper par la modernisation. Parler de « pays » pauvres ou en développement occulte les inégalités existant aussi à l’intérieur des sociétés (du Nord comme du Sud) et les connexions des individus aux processus de mondialisation.
- inégalités > Inégalité
- Répartition inégale des biens, matériels et/ou immatériels, considérés comme nécessaires ou désirables. Outre les inégalités de revenus (internes, internationales et mondiales), les inégalités, cumulatives, se mesurent également en matière d’accès aux services publics (accès à la santé, à l’éducation, à l’emploi, à un logement, à la justice, à une sécurité effective, etc.), à la propriété et plus largement aux ressources naturelles, ainsi qu’en matière d’expression politique ou de capacité de réaction face au risque écologique. Lorsque ces inégalités se fondent sur des critères prohibés par la loi, elles constituent des discriminations.
- ethnie > Ethnie
- L’ethnie est une catégorie descriptive apparue à la fin du xixe siècle, construite par les anthropologues et diffusée par les administrateurs coloniaux. Contrairement à la race, elle ne fait pas référence à des critères biologiques mais désigne un groupe d’individus ayant la même origine, la même tradition culturelle, et dont l’unité s’appuie sur la langue, l’histoire, le territoire, les croyances et la conscience d’appartenir au groupe ethnique. Prétendue naturelle, l’ethnie est pourtant un construit social, subi ou revendiqué, à la fois arbitraire et évolutif. Posée comme identité exclusive, elle devient un instrument de mobilisation politique d’autant plus puissant que l’État est en difficulté. L’ethnocentrisme consiste à ne lire le monde qu’à travers sa propre culture et à vouloir imposer cette interprétation.
- autochtones > Autochtone
- Bien qu’il n’y ait pas de définition universellement acceptée pour qualifier les peuples autochtones, ou peuples premiers, l’ONU affirme que « les peuples autochtones sont les héritiers et praticiens de cultures et de manières uniques de se lier aux personnes et à l’environnement. Ils ont conservé des caractéristiques sociales, culturelles, économiques et politiques distinctes de celles des sociétés dominantes dans lesquelles ils vivent ». La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones a été adoptée en 2007. Selon l’ONU, les peuples autochtones représentent 370 millions d’individus, formant plus de 5 000 groupes différents, présents dans environ 90 pays sur cinq continents et qui parlent plus de 4 000 langues, dont la plupart sont en voie d’extinction.