Résumé

Fondée sur une intégration économique et commerciale toujours plus poussée, l’Union européenne est devenue un acteur majeur de la mondialisation. Parce qu’elle est dépourvue d’une vision de politique étrangère commune et de transferts de souveraineté en matière diplomatique et militaire, elle tend à s’affirmer sur la scène internationale par le biais de l’humanitaire ou par celui de la participation à des négociations internationales.

L’Union européenne (UE) est une organisation régionale dont le modèle d’ intégration est unique. Dotée d’une solide architecture institutionnelle, elle bénéficie d’importants transferts de souveraineté dans une série de domaines, en particulier économiques et commerciaux. La diplomatie et les affaires militaires restent pour l’essentiel l’apanage des États membres. Si l’UE peine à intervenir dans les crises internationales (Syrie, etc.) et à peser dans les rapports de force internationaux (par exemple face à la Russie), elle n’est en réalité pas dépourvue d’influence. Celle-ci ne s’exerce pas à travers la coercition et la puissance militaire, mais mise sur les normes qu’elle promeut. Cette modalité particulière d’insertion dans les relations internationales tient à la nature même de l’UE et à sa genèse.

Géant commercial, nain politique

La construction européenne est le fruit de conjonctures historiques particulières et du volontarisme d’acteurs privilégiant la recherche d’un consensus dans un cadre multilatéral plutôt que les rapports de puissance. Après les dévastations causées par la seconde guerre mondiale, et alors que la guerre froide scinde le continent en deux à partir de 1948, les pères fondateurs de l’Europe, s’inspirant des théories libérales, cherchent à dépasser les antagonismes nationaux en favorisant l’intégration économique entre les anciens ennemis. À l’équilibre des puissances, qui structurait le continent depuis le congrès de Vienne (1815) mais s’était montré incapable d’éviter les guerres, succède l’idée de construire un espace de libre circulation (des biens, des capitaux, des personnes, etc.) par l’effacement des frontières, un espace où les interdépendances rendraient la guerre impossible car dommageable pour tous. Aidée par les États-Unis qui, face à l’URSS, œuvrent au redressement économique du continent (plan Marshall, 1947-1951) et à sa protection militaire (OTAN [Organisation du traité de l’Atlantique nord], 1949), la réconciliation franco-allemande est scellée par la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier, 1951) puis par la CEE (Communauté économique européenne, 1957), permettant à l’Europe d’entrer dans une ère de paix et de stabilité politique inédite depuis des siècles, saluée par le prix Nobel de la paix en 2012.

Enchevêtrements européens, 2018

Source : Sites officiels des organisations.

Commentaire : La carte montre la complexité institutionnelle d’une Europe aux espaces d’appartenance qui ne se recoupent jamais complètement. Aux élargissements dans le temps, sur plusieurs décennies, et un retrait récent, s’ajoutent la zone euro (plus petite), l’espace Schengen (qui ne comprend pas tous les États membres de l’UE mais compte des non-membres), le Conseil de l’Europe (plus grand), ou encore l’Alliance militaire de l’OTAN (qui ne comprend pas tous les États membres de l’Union européenne mais compte des non-membres).

La paix par l’économie

La construction européenne est une entreprise politique dont le but premier est d’instaurer la paix et la sécurité collective sur le continent en dépassant les intérêts nationaux des États. Mais l’instrument est de nature économique, car c’est le renforcement de l’interdépendance économique et commerciale qui doit permettre d’y parvenir. Les domaines de compétence de l’UE relevant principalement du domaine économique et commercial, c’est logiquement sur ces terrains qu’elle exerce le plus d’influence. Avec un marché intérieur d’un demi-milliard d’habitants représentant 20 % du PIB mondial et du commerce international, l’UE est un acteur économique majeur du monde contemporain, en particulier dans des instances comme l’ OMC, où le Commissaire européen au commerce négocie pour l’ensemble des États membres. L’UE est aussi un interlocuteur reconnu dans les domaines où les compétences ont été transférées au niveau communautaire, comme dans les négociations internationales sur le climat. Enfin, l’UE pourvoit à plus de la moitié de l’aide au développement dans le monde (soit 76 milliards d’euros en 2017), ce qui en fait là aussi un acteur de premier plan. Traduction logique de cette centralité dans le secteur commercial, l’UE négocie directement des accords bilatéraux avec des États (États-Unis, Chine, etc.) ou des ensembles régionaux (MERCOSUR [Marché commun du Sud], ASEAN [Association des nations de l’Asie du Sud-Est], etc.), et a noué des relations institutionnelles avec la plupart des pays du monde et des grandes institutions internationales.

Aide publique au développement (APD), 2012-2016

Sources : OCDE, www.oecd.org ; PNUD, www.undp.org 

Commentaire : Ces cartes montrent l’aide publique au développement (APD) de trois acteurs du Nord. Les géographies respectives sont nettes : l’Union européenne aide d’abord les régions « voisines » : Balkans, Proche-Orient et Afrique du Nord et, dans une moindre mesure, le reste de l’Afrique ; les États-Unis ciblent davantage l’Afghanistan-Pakistan, l’Afrique subsaharienne (de l’Est en particulier), le Proche-Orient et l’Amérique latine ; le Japon aide prioritairement l’Asie du Sud-Est et l’Asie du Sud.

Accords commerciaux avec l’Union européenne, 1973-2018

Source : Commission européenne, www.ec.europa.eu 

Commentaire : Au cours des 45 dernières années, l’Union européenne a progressivement signé des accords commerciaux avec de nombreux États ou ensembles régionaux, à l’exception de certains États (États-Unis, Biélorussie, Australie, etc.), de ceux de la partie centrale de l’Afrique et d’Asie mais avec lesquels l’entrée en vigueur de partenariats est à venir. La géographie de ces partenariats s’est historiquement organisée à partir des voisins à l’est puis au sud de la Méditerranée avant de s’étendre aux autres continents.

La diplomatie sans le militaire

Malgré une progressive, mais lente, mise en place de structures institutionnelles (politique étrangère et de sécurité commune [PESC, 1993], politique européenne de sécurité et de défense [PESD, 1999], Service européen pour l’action extérieure [SEAE, 2009]), les États membres restent jaloux de leur souveraineté et continuent à gérer l’essentiel de leurs relations extérieures de manière autonome, ce qui les conduit souvent à l’impuissance (Yougoslavie au cours des années 1990, Irak en 2003, etc.). La mutualisation des moyens militaires reste un vœu pieux, chaque grand État cherchant à privilégier sa propre industrie de l’armement. C’est donc par le détour de l’ humanitaire que l’UE investit les affaires diplomatiques et militaires. Depuis 2003, elle s’engage dans des actions civiles et militaires de terrain, essentiellement dans le maintien de la paix et la reconstruction post- conflit : Bosnie, Kosovo, RDC, Mali, Soudan du Sud, Afghanistan, etc. Par l’intermédiaire du SEAE, elle joue un rôle actif dans certaines négociations internationales, comme lors de l’accord sur le nucléaire iranien de 2015.

Missions de paix de l’Union européenne, 2018

Source : Service européen pour l’action extérieure, eeas.europa.eu 

Commentaire : Cette carte montre les missions de paix de l’Union européenne. Après une mission d’observation en Yougoslavie lancée en 1991, ces opérations ne se multiplient qu’à partir des années 2000 ; elles demeurent plus modestes que celles de l’ONU. À l’exception d’une opération en Indonésie, elles se déroulent toutes ou se sont déroulées dans des régions « proches » de l’UE : en Europe centrale (Balkans), dans des pays de l’ex-URSS (Ukraine, Caucase, etc.), au Proche et Moyen-Orient ou en Afrique (centrale, Sahel et Somalie).

Faute d’une vision politique commune et d’une volonté des États de transférer leur souveraineté en matière de politique étrangère, c’est essentiellement vis-à-vis des voisins immédiats (Europe de l’Est, Turquie, Afrique du Nord) que l’influence politique de l’UE se concrétise. Grâce à la politique européenne de voisinage (PEV, 2003), l’UE met en place avec ces pays des coopérations renforcées (en matière de sécurité, de justice, de commerce, etc.), tout en incitant au respect des valeurs communes européennes (État de droit, économie de marché, etc.). C’est donc par la puissance douce (soft power) et non par la coercition que l’UE s’affirme sur la scène internationale et prétend peser sur le processus de mondialisation.

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