Résumé

Il existe une large palette d’organisations non gouvernementales (ONG) aux degrés d’indépendance variés, suivant le contexte de leur création et les modalités de leur financement. Cette pluralité tend à se renforcer avec l’émergence de nouveaux acteurs de l’aide et du développement, qu’il s’agisse d’ONG issues des Suds ou d’acteurs situés à la croisée des secteurs marchand et non marchand.

Les ONG (organisations non gouvernementales) recouvrent une pluralité d’ acteurs, souvent associés à un engagement d’intérêt général dans les domaines de la solidarité internationale ou de la défense des droits. Elles se situeraient ainsi à l’avant-poste de la formation d’une société civile mondiale organisée, mobilisée pour des causes qui transcendent les frontières étatiques. Au-delà de cette représentation simplifiée, il faut observer la grande diversité des ONG et notamment celle de leurs degrés d’indépendance. La pluralité de leur action résulte aussi de l’émergence d’ONG du Sud et du brouillage de la frontière entre secteurs marchand et non marchand.

Pluralité et uniformisation des référents

Si les ONG se qualifient par leur indépendance à l’égard des gouvernements, la réalité est celle d’une variété de situations, liées à la fois à leurs thématiques d’intervention (droits humains, solidarité internationale et développement, urgence et conflits), aux contextes dans lesquels elles émergent (la reconnaissance de la liberté d’association et d’expression n’étant pas uniforme à l’échelle mondiale), et à leurs modes de coordination (indépendance à l’égard de leurs États d’origine) et de financement (donateurs individuels, entreprises ou fonds publics).

Liberté d’expression et d’association, 2017-2018

Sources : ONU, https://treaties.un.org ; Freedom House, https://freedomhouse.org 

Différents acronymes ont été imaginés pour désigner les degrés variables d’indépendance des ONG. On peut ainsi citer la notion de GONGOs (government-organized non-governmental organizations, formées par des États pour promouvoir leurs intérêts, par exemple l’organisation russe World Without Nazism) ou celle de QUANGOs (quasi-autonomous non-governmental organisations, dont le financement lié à un acteur principal – public ou privé – met en doute l’autonomie ; plus de 60 % du budget de l’ONG étatsunienne CARE provient par exemple du gouvernement des États-Unis).

Cette diversité n’entrave pas une dynamique d’uniformisation des référents et modes d’action des ONG, liée d’une part à leur professionnalisation et d’autre part à leur besoin de reconnaissance et de financements. Les Nations unies participent de cette logique, notamment à travers les appels à projets lancés par le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) ou la réforme de l’action humanitaire de 2005, qui tendent à uniformiser les modèles d’ONG et domaines d’intervention susceptibles d’être reconnus. Les ONG sont demandeuses de l’aura légitimatrice que peut leur fournir la reconnaissance onusienne, comme en témoigne le nombre important d’entre elles ayant sollicité et obtenu un statut consultatif auprès du Conseil économique et social des Nations unies (4 862 ONG en 2017).

Émergence d’ONG des Suds

Parallèlement, on assiste à l’émergence d’ONG issues des Suds, capables de déployer des fonds et ressources humaines importants. Elles sont désormais des acteurs incontournables de l’ aide globale en dépit de leur moindre visibilité. Souvent constituées pour intervenir dans leur État d’origine, elles commencent à déployer leur activité vers d’autres terrains, modifiant ainsi la représentation conventionnelle d’organisations ancrées au Nord et intervenant dans les Suds.

Le cas de BRAC (Bangladesh Rural Advancement Committee) illustre cette dynamique. Fondée à Dhaka en 1972, l’ONG compte plus de 125 000 salariés et un budget annuel dépassant 680 millions de dollars, essentiellement alimenté par des micro-entreprises plutôt que par des fonds publics. Initialement focalisée sur la mise en œuvre de programmes de santé publique et d’éducation dans les zones rurales du Bangladesh, elle intervient désormais en Afghanistan et dans plusieurs pays d’Afrique où elle devient un acteur clé.

Programmes de microfinance du Bangladesh Rural Advancement Committee (BRAC), 2016

Source : BRAC, www.brac.net 

Commentaire : L’ONG bangladaise BRAC est ancienne (créée en 1972) et l’une des plus importantes (près de 100 000 employés). Longtemps spécialisée sur le microcrédit – l’attribution de prêts de faibles montants à des individus qui ne peuvent accéder aux prêts bancaires classiques – au Bangladesh – où les encours s’élèvent à 1,6 milliard de dollars en 2016 –, ses programmes portent aussi sur la santé, l’éducation et l’assistance aux victimes de catastrophes et se sont internationalisés ces dernières années en Afrique et en Asie.

Il faut enfin souligner la superposition croissante entre acteurs des secteurs marchand et non marchand, renouvelant les modes d’action et de financement des ONG tout en compliquant la lecture de leurs degrés d’indépendance.

D’une part, l’émergence de grandes fondations telles que la fondation Bill & Melinda Gates, dotée d’un capital de 43,5 milliards de dollars, est devenue un paramètre incontournable du financement des ONG. La fondation Gates consacre ainsi à la lutte contre le paludisme et le VIH un budget supérieur à celui de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une partie de ces fonds étant reversés à des ONG de terrain. Les intérêts de l’entreprise et les actions financées par la fondation (par exemple la distribution de logiciels dans le cadre de ses programmes éducatifs) se superposent parfois, illustrant la confusion entre les deux mondes, de même que les méthodes managériales qui gouvernent l’action de la fondation et celle de ses partenaires.

Fondation Bill & Melinda Gates, 2016

Source : Bill & Melinda Gates Foundation, www.gatesfoundation.org 

Commentaire : Avec un budget annuel supérieur à 4 milliards de dollars, la Fondation Bill & Melinda Gates « pèse » autant que des organisations internationales massives telles que l’Organisation mondiale pour la santé (OMS) ou le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Bien que le siège de la fondation soit localisé à Seattle, elle s’organise autour d’un réseau mondial de bureaux, les programmes portant sur les multiples volets du développement (éducation, santé, finance, agriculture, sanitaire, etc.) dans les pays dits « en développement ».

D’autre part, l’action même des ONG se situe parfois au carrefour des deux secteurs, à travers par exemple le financement d’actions de développement directement inspirées du secteur privé. C’est notamment le cas des micro-entreprises et des systèmes de microfinance, qui fournissent 75 % du budget d’une ONG comme BRAC. Les ONG qui interviennent à la croisée des deux mondes transforment ainsi les pratiques de la solidarité autant que celles du secteur privé.

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