Résumé

Cybercriminalité, criminalité environnementale, trafic de drogue, d’êtres humains, de médicaments et d’armes, etc., les acteurs du crime organisé transnational ne cessent de diversifier leurs activités, qui détruisent des individus, gangrènent les sociétés et les États et déstructurent les économies.

Les acteurs du crime organisé transnational ne cessent de diversifier leurs activités, facilitées par certaines politiques publiques et par la corruption et fluidifiées par le darknet, les smartphones et les crypto-monnaies. La cybercriminalité et la criminalité environnementale s’ajoutent aux trafics de drogue, d’êtres humains, de médicaments et d’armes.

La criminalité transnationale gangrène les sociétés et les États et déstructure les économies. Les capitaux considérables qu’elle dégage stimulent aussi bien l’investissement et le produit intérieur brut (PIB) que la corruption, le blanchiment et les prix de l’immobilier qui creusent les inégalités, faussent la concurrence et dissuadent les IDE (investissements directs à l’étranger). Corruption, trafics, pauvreté, conflits et terrorisme s’entretiennent et se renforcent mutuellement. L’opacité, vitale pour les réseaux mafieux, rend les connaissances partielles et sous-estimées, comme le montrent les limites des données publiées par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC).

Indice de perception de la corruption, 2017

Source : Transparency International, www.cpi.transparency.org 

Commentaire : Par définition opaque, la corruption ne peut être abordée que par des enquêtes que l’ONG Transparency International mène annuellement depuis 1995. L’indice de perception de la corruption est un indice composite, mondial, fondé sur des expertises indépendantes menées dans les pays évalués ; il évalue les pratiques des agents publics, les pots-de-vin, les passations de marchés publics et les détournements de fonds. La grande majorité des pays sont affectés par la corruption, mais les niveaux sont les plus élevés dans les États du Sud (en Afrique, au Moyen-Orient et en Amérique centrale) mais aussi en Russie.

Drogues

Le trafic des drogues représente plus du quart des revenus de la criminalité transnationale et constitue sa deuxième source de revenus après la contrefaçon. Selon l’UNODC, 5 % de la population mondiale a fait au moins une fois l’usage de drogue au cours de l’année 2015 et 30 millions de personnes sont victimes des troubles qui en découlent. Aux grands cartels historiques (Mexique, Japon, Russie, Italie) s’ajoute aujourd’hui une nébuleuse de réseaux plus diffus. La répartition des saisies confirme le caractère mondial du phénomène.

Toutes les drogues connaissent une augmentation de leur production et une diversification de leur diffusion. En 2015-2016, la culture du pavot a procuré 6 380 tonnes d’opium dont l’Afghanistan fournit les deux tiers. Parmi les opiacés, la consommation d’héroïne est particulièrement porteuse de risques directs et indirects (décès, hépatite C, VIH, tuberculose). Les talibans contrôlent la production destinée aux marchés d’Europe et des Amériques par la route des Balkans (Iran, Turquie et Europe centrale), la route du Sud (Asie du Sud et Moyen-Orient) et la route du Nord (Asie centrale et Russie). Les revenus financent les armes et la guerre dont les Afghans sont les premières victimes.

Cultivée en Colombie, au Pérou et en Bolivie, la coca a permis la production de 1 125 tonnes de cocaïne pure en 2015, consommée par 0,4 % de la population mondiale (1,8 % en Amérique du Nord, 1,1 % en Europe). En Colombie, les FARC (Forces armées révolutionnaires colombiennes) ont joué un rôle dans cette production qui, selon l’accord de paix signé en 2016, devrait cesser.

Outre les flux traditionnels vers l’Amérique du Nord et l’Europe, la route d’Afrique de l’Ouest, plus récente (par le Brésil puis le Nigeria ou le Cap-Vert, le Ghana, le Mali, le Niger et le Tchad), constitue un facteur important d’instabilité de la région (liens avec Boko Haram et AQMI [Al Qaeda Maghreb islamique]). Dans l’ensemble de l’Amérique du Sud, la puissance des cartels, soutenus par des élites économiques transnationales et par la pénétration de leurs réseaux dans les sociétés, provoque des violences sociales et politiques.

Production et trafic des principales drogues (hors cannabis), situation au milieu des années 2010

Source : synthèse d’après UNODC, World Drug Report, éditions 2015-2017.

Commentaire : L’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC) collecte et produit des données sur la consommation, la production et le trafic des drogues illicites. Cette carte de synthèse montre la géographie mondiale des drogues, sauf pour le cannabis dont la production et la consommation sont diffuses. Les géographies des trois principales drogues sont assez distinctes : 1. la culture du pavot à opium se concentre en Afghanistan et, dans une moindre mesure, au Myanmar, les flux d’opiacés (héroïne notamment) alimentent les consommateurs d’Europe, de Russie, d’Asie et du Moyen-Orient ; 2. la culture de coca se cantonne aux Andes (Colombie, Pérou et Bolivie) et fournit les marchés d’Amérique du Nord (et du Sud) et d’Europe via de multiples routes, parfois indirectes comme en Afrique ; 3. les réseaux des drogues de synthèse sont moins bien connus, plus fluctuants, en raison de la multitude de petits laboratoires clandestins qui produisent ces substances chimiques.

Première drogue dans le monde (183 millions de consommateurs en 2015), le cannabis est cultivé dans 135 pays. Le Maroc, l’Afghanistan, le Liban, l’Inde et le Pakistan sont en tête des pays producteurs de résine alors que la production de l’herbe est plus diffuse partout dans le monde. La consommation augmente en Afrique, en Asie et aux États-Unis (13,5 % de la population). Quant aux drogues de synthèse comme le LSD, l’ecstasy (22 millions de consommateurs), les amphétamines et méthamphétamines (37 millions), elles sont produites dans le monde entier, sous différentes formes, en quantités difficiles à évaluer mais qui augmentent en Asie de l’Est et du Sud-Est.

Consommation de drogues (hors cannabis), milieu des années 2010

Source : UNODC, World Drug Report 2017.

Commentaire : Ces diagrammes sont construits à partir des estimations (cercles imbriqués de moyennes basse et haute) de l’UNODC. Ils montrent le nombre de consommateurs de drogue (taille des cercles) et leur prévalence, soit leur part dans la population nationale (dégradé de couleur). Bien qu’étant nettement plus consommé que les drogues dures montrées dans ce graphique, le cannabis n’est pas représenté. À l’échelle mondiale, les drogues de synthèse (de type amphétamine et ecstasy) sont les plus consommées ; les opiacés sont plus consommés en Asie, en Europe et au Moyen-Orient, alors que la cocaïne l’est davantage en Amérique et en Europe. L’Amérique du Nord se distingue par une prévalence élevée de consommation de cocaïne et d’ATS (supérieure à 1,5 % de la population), c’est aussi le cas du Moyen-Orient avec les opiacés.

Les politiques centrées sur la lutte contre l’offre, les éradications forcées sans alternatives suffisantes pour des paysans pauvres et la répression des consommateurs sont critiquées par les ONG qui promeuvent un débat sur les orientations et le peu d’efficacité de ces politiques et valorisent les alternatives qui cherchent à réduire les risques par l’éducation, l’accès aux traitements et l’inclusion sociale.

Traite des personnes

Exploitation sexuelle (54 %), travail forcé (40 %), mendicité, mariages forcés, enfants soldats, vente des bébés, production pornographique, prélèvements d’organes… la traite des personnes, ou esclavage moderne, est globale et multisectorielle. 79 % des victimes sont des femmes et des enfants et l’impunité subsiste malgré la ratification par 170 États du Protocole contre la traite des personnes des Nations unies (2000). Pauvreté et conflits sont les premiers facteurs de vulnérabilité des victimes et fournissent les meilleures opportunités aux trafiquants, aussi la fréquence de la traite augmente-t-elle le long des routes des migrants et réfugiés et dans les zones de conflits : 2 000 enfants soldats en Sierra Leone au cours des années 1990, au moins 6 000 en République centrafricaine en 2014, plus de 4 000 en RDC et, plus récemment, filles et enfants enlevés par Boko Haram au nord du Nigeria, plus de 3 000 femmes et enfants Yazidis retenus par Daech.

Esclavage moderne

Source : Organisation internationale du travail (OIT) et Walk Free Foundation, Global Estimates of Modern Slavery: Forced Labour and Forced Marriage, Genève, 2017.

Commentaire : Les données de l’OIT et de la fondation australienne Walk Free Foundation estiment le nombre d’individus en situation d’esclavage, identifient ses formes et sa géographie. Le diagramme et les cartes montrent que 25 millions de personnes subissent le travail forcé dans le monde (exploitation, sexe, et imposé par l’État), principalement en Asie-Pacifique et en Europe et Asie centrale (avec une prévalence de 3,5 à 4,8 pour 1 000), et que 15 millions subissent un mariage forcé (en majorité des femmes et des enfants), surtout en Asie-Pacifique et en Afrique (qui présente la plus forte prévalence).

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