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Multilatéralisme religieux

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Loin de la représentation courante selon laquelle les relations internationales seraient un espace sécularisé, de nombreuses organisations internationales se saisissent du facteur religieux.

Fondée en 1969, comportant aujourd’hui 57 membres, l’Organisation de la coopération islamique (OCI) est la seule organisation internationale explicitement fondée sur un référent religieux. Dans le contexte de l’époque, elle reflète la tentative de reprise en main de ce facteur, de la part notamment des États arabes fragilisés par la montée en puissance de l’islam politique. Il s’agit également de mettre en avant une réponse cohésive, face au manque de coordination de ces États dans le contexte de la guerre des Six Jours et de l’incendie de la mosquée Al-Aqsa. Si la religion musulmane (définie selon un critère flou, qui permet l’adhésion d’États constitutionnellement islamiques, mais aussi d’autres qui comprennent des minorités musulmanes importantes numériquement) constitue le critère d’adhésion à l’OCI, la représentation y est exclusivement inter-étatique et ses domaines d’action (politiques, économiques et commerciaux) ne recoupent en rien les clivages théologiques entre ses membres.

Les organisations multilatérales conventionnelles ont, elles aussi, intégré la visibilité croissante du facteur religieux dans les relations internationales. L’ UNESCO a été l’une des premières organisations à le formaliser, en établissant en 1999 une Chaire en études interreligieuses, suivie de nombreuses initiatives de dialogue interreligieux, ce dernier étant présenté comme une condition nécessaire de la paix internationale. L’ONU a désigné l’année 2001 comme « année du dialogue entre les civilisations » (à l’initiative notamment du président iranien Khatami), avant d’encourager en 2005 la fondation de l’« Alliance des civilisations » (ces dernières se définissant par des critères essentiellement religieux). Ces initiatives participent d’une approche duale des phénomènes religieux, consistant à en dénoncer les expressions conflictogènes tout en encourageant leurs usages pacificateurs. Une approche critique de ces initiatives souligne qu’elles tendent d’une part à survaloriser le rôle des religions comme variables explicatives, de conflits comme de processus de réconciliation ; et conduisent d’autre part à véhiculer une vision uniforme et normalisée des groupes religieux perçus comme légitimes aux yeux des organisations concernées, renforçant la marginalisation des dénominations ou pratiques qui n’y sont pas représentées.

Adhésions à l’Organisation de la coopération islamique (OCI)

Sources : Organisation de la coopération islamique, www.oic-oci.org/home ; Centre arabe pour l’éducation au droit international humanitaire et aux droits humains, www.acihl.org 

Commentaire : Le diagramme et les plages de couleur de la carte montrent que depuis 1969 l’OCI, organisation interétatique sur une base religieuse, continue à s’agrandir, y compris par l’adhésion d’États où les musulmans sont minoritaires (absence de hachures, soit moins de 22 % de musulmans).

Citation

« Multilatéralisme religieux » Espace mondial l'Atlas, 2018, [en ligne], consulté le 15 mars 2021, URL:
https://espace-mondial-atlas.sciencespo.fr/fr/rubrique-strategies-des-acteurs-internationaux/focus-3F07-multilateralisme-religieux.html

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