Démocratie numérique ?
Au-delà des urnes et des rythmes électoraux et pour tenter de contourner le délaissement des formes dites conventionnelles de participation politique, les réseaux sociaux (Facebook et Twitter), les hashtags viraux (#OccupyWallStreet en 2011, #BlackLivesMatter en 2013, #BringBackOurGirls en 2014, #JeSuisCharlie en 2015, #MeToo en 2017) et les plateformes de pétition (« civic tech ») prétendent stimuler la participation des citoyens et des organisations de la société civile au quotidien, à toutes les échelles et sur tous les sujets. Ces plateformes collectent les engagements individuels des citoyens sur des textes proposés par d’autres citoyens qui peuvent donner un avis, alerter, dénoncer, surveiller, revendiquer et mobiliser. Si les ONG font l’essentiel de leur travail de plaidoyer sur leurs sites web, elles ont aussi recours à ces plateformes pour diffuser leur cause auprès d’un public élargi, collecter des fonds de façon peu onéreuse. Enfin, responsables publics, privés et élus peuvent y prendre la température de l’opinion sur des sujets de société variés et à moindre coût par rapport à d’autres instruments tels que les sondages. Les plus importantes sont Change.org (plus de 200 millions de personnes dans 196 pays, une entreprise sociale certifiée BCorporation qui a levé 50 millions de dollars), Avaaz.org (14 langues, 47 millions de membres, financée par ses donateurs), toutes deux lancées en 2007 aux États-Unis, et Mesopinions.com (4 millions d’utilisateurs, lancée en 2006, qui propose également des sondages). Toutes revendiquent d’être citoyennes, mondiales, indépendantes, au service de la démocratie participative et capables de peser sur les décisions de politique mondiale (leurs « victoires »). Ces plateformes suscitent cependant interrogations et critiques quant à la nature de l’engagement citoyen (fugace, non présentiel et strictement individuel), à leur représentativité (biais induit par l’accès aux outils numériques qui exclut beaucoup de ceux qui auraient le plus besoin d’être entendus) et à la protection des données personnelles qui nécessiterait une régulation (cas des algorithmes qui déterminent le possible intérêt d’un signataire pour une autre pétition et que la plateforme lui propose, ou celui du service de pétitions sponsorisées avec audience ciblée vendu aux ONG).
Commentaire : La carte des près de 50 millions de membres de la plateforme de pétitions en ligne de l’ONG Avaaz (créée en 2007) montre une répartition contrastée de ce type d’engagement individuel. Agrégeant des individus de 194 pays, elle est particulièrement utilisée au Brésil, en Europe, mais également en Amérique du Nord et dans des pays du Sud : le reste de l’Amérique latine, l’Inde, le Maghreb et le Moyen-Orient.
- citoyens > Citoyen
- Issue de l’Antiquité, la citoyenneté désigne la jouissance des droits civiques et politiques au sein des régimes démocratiques (droit de vote, droit d’éligibilité, exercice des libertés publiques). Accordant des droits et des obligations aux citoyens, elle fonde la légitimité de l’État sur le primat de la souveraineté populaire. La citoyenneté est une composante du lien social, les citoyens formant une communauté politique (théorie du contrat social) à laquelle ils doivent une allégeance prioritaire. Selon les périodes et les pays, elle est refusée à certaines catégories de population : femmes, esclaves, pauvres, analphabètes, militaires, étrangers, mineurs. Le traité de Maastricht (1992) a créé une citoyenneté européenne au sein de l’Union européenne.
- société civile > Société civile
- À l’échelle nationale, la société civile désigne une entité sociale distincte de l’État et dépassant les individus et les groupes qui la composent (classes sociales, catégories socioprofessionnelles, générations…). La notion de société civile mondiale est apparue au cours des années 1970 (John Burton, World Society) et désigne l’ensemble des relations sociales construites hors du contrôle de l’État sur la scène internationale par la mobilisation de ressortissants de tous les pays pour revendiquer des régulations infra ou supranationales. L’expression masque toutefois une grande diversité. La notion de société-monde apparaît pendant les années 1990 chez les géographes et désigne le processus le plus englobant de création d’un espace social à l’échelle de la planète.
- individuels > Individu
- L’individu est un acteur social élémentaire dont la place va croissant dans les processus de mondialisation pour de multiples raisons, parmi lesquelles : la circulation accélérée des idées, des valeurs et des informations, la possibilité de construire des réseaux d’échange et de solidarité sans proximité physique, la création de réseaux d’experts internationaux, la lutte pour le respect des droits humains et les demandes de démocratie.
- ONG > Organisation non gouvernementale
- L’usage de cette expression s’est développé à la suite de son insertion dans l’article 71 de la Charte des Nations unies. Il n’existe pas de statut juridique international des ONG, si bien que ce sigle désigne des acteurs très différents selon les discours et les pratiques. Il s’agit généralement d’associations constituées de manière durable par des particuliers en vue de réaliser des objectifs non lucratifs, souvent liés à des valeurs et des convictions (idéologiques, humanistes, écologiques, religieuses, etc.) et non des intérêts. Actives tant à l’échelle locale que mondiale, sur des thèmes divers, les ONG se comptent aujourd’hui par dizaines de milliers, mais sont d’importances très inégales en termes de budget, de personnel et de développement.
- démocratie > Démocratie
- Régime politique fondé sur la souveraineté populaire, où la légitimité du pouvoir découle de son acceptation par le peuple. Inspirée du modèle mis en place dans la Grèce antique et du libéralisme promouvant les libertés individuelles, la démocratie est aujourd’hui avant tout représentative et fondée sur un principe d’égalité des citoyens (élections au suffrage universel). Elle est indissociable du respect des droits humains fondamentaux, dont les libertés d’expression, d’association, d’informer, etc. Alors qu’elle s’est progressivement universalisée et tend à devenir la norme, elle ne renvoie pas à un modèle unique car elle dépend toujours du contexte social et culturel de sa mise en place, variable d’un endroit à l’autre et selon les époques.
- données personnelles > Données personnelles
- Toute information relative à une personne physique identifiée ou identifiable, directement ou indirectement : état civil et photographie, adresse postale, téléphone, adresse IP d’ordinateur, dossier médical, données biométriques, déplacements, origine, opinions, etc. Les modes de collecte (depuis des questionnaires jusqu’aux traces laissées par les navigations sur internet ou les réseaux sociaux) et les types d’exploitation (à des fins commerciales, publicitaires, d’influence, de contrôle social étatique, etc.) sont obscurs pour les individus et constituent la base du modèle économique des firmes multinationales du web et des télécommunications. Enjeu de gouvernance mondiale, de démocratie et de liberté individuelle, ces données sont protégées par divers instruments juridiques étatiques ou régionaux qui ont montré leurs insuffisances et tendent à se renforcer (obligation de déclaration, durée de conservation, consentement, sécurisation, capacité à contrôler et sanctionner).