Résumé

Les négociations multilatérales sont devenues centrales sur la scène internationale en tant que processus décisionnels et de résolution pacifique des différends. Leur essor s’accompagne d’une augmentation et d’une diversification des acteurs impliqués ainsi que d’une interdépendance accrue des thématiques et des arènes de négociation. Face aux tensions rencontrées, notamment pour sortir de certains conflits armés, des médiations impliquant le recours à un acteur extérieur peuvent être entreprises.

Oscillant en permanence entre coopération et conflit, la négociation constitue un processus décisionnel et de résolution pacifique d’un différend central et omniprésent sur la scène internationale. Elle a pour objectif de faire converger les points de vue et les intérêts divergents des protagonistes pour parvenir à une solution mutuellement acceptable. Elle entretient en cela des rapports consubstantiels à la diplomatie (dont elle constitue l’une des activités principales), au droit (en produisant des textes de portée juridique variable) et au commerce (étymologiquement, la négociation provient du négoce). Elle s’est également déployée dans le monde du travail (négociations collectives) et dans les entreprises (fusions-acquisitions, etc.).

La négociation internationale s’est développée, étendue et complexifiée au xx e siècle mais elle continue de susciter des questionnements simples : qui négocie et comment, peut-on tout négocier, avec qui, à quel moment et à quel rythme ?

Essor des négociations multilatérales

Le contexte, le déroulement et les objectifs des négociations ont évolué depuis leur codification aux xvii e et xviii e siècles. À partir du congrès de Vienne (1814-1815), tout en conservant pour but la résolution de conflits armés (suspendre, arrêter, voire prévenir les hostilités), elles s’emploient également à la construction des prémices d’une gouvernance mondiale. Si la négociation bilatérale (entre deux parties) persiste et augmente en raison du nombre croissant d’acteurs en présence, c’est surtout la négociation multilatérale (entre trois parties au moins) qui se développe et influence les comportements. L’ institutionnalisation de la diplomatie moderne et sa mondialisation ont en effet démultiplié les institutions et les espaces de négociation, en particulier avec l’essor des organisations intergouvernementales, des sommets, des conférences et des clubs.

Pratique sociale ordinaire de la coopération multilatérale, la négociation associe des protagonistes de plus en plus nombreux et variés. Certaines négociations globales peuvent réunir la quasi- totalité des plus de 190 États du monde, des organisations régionales et globales, des experts, des ONG, des entreprises, des groupes d’intérêt, des mouvements sociaux, des entrepreneurs identitaires, des médias, etc.

Négociations dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (UNFCCC) 

Source : sites officiels des organisations. 

De plus en plus spécialisées, les négociations se déroulent à différentes échelles (du local au régional et global) et dans tous les domaines (paix, désarmement, non-prolifération, terrorisme, commerce, environnement, droits humains, santé, etc.), produisant de nombreuses imbrications d’acteurs du fait de leur participation à des coalitions et des alliances multiples et de l’ interdépendance croissante des enjeux.

Ceci ne signifie pas pour autant que les négociations incluent systématiquement tous les acteurs ni qu’elles nivellent les rapports de puissance. La paix et l’agencement du système international restent souvent négociés entre vainqueurs et imposés aux vaincus (pacte de la Société des Nations en 1919, Charte de l’ONU en 1945, etc.), tandis que les règles du commerce mondial sont édictées, suspendues, paralysées ou abrogées par les principaux protagonistes (accords de Bretton Woods en 1944, cycles de l’Organisation mondiale du commerce, etc.).

Négociation et médiation

Lorsqu’une négociation se grippe ou ne parvient pas à démarrer, le recours à un tiers extérieur peut être envisagé. Des tentatives de médiation ont ainsi été mises en œuvre dans près des deux tiers des conflits postérieurs à 1989 par des acteurs variés : représentants d’ organisations internationales ou d’ États, ONG (Centre pour le dialogue humanitaire, International Crisis Group), fondations (Carter) ou communautés religieuses (Quakers, Sant’Egidio, etc.).

Le médiateur peut se faire plus ou moins intrusif durant le processus, selon qu’il recourt à une médiation communicationnelle (en facilitant la communication et l’échange d’informations entre négociateurs), procédurale (en influant sur le déroulement de la négociation) ou directive (en s’immisçant dans le contenu et en exerçant si besoin des pressions sur les négociateurs).

La négociation et la médiation font l’objet d’une exploration scientifique et pédagogique foisonnante et éclectique, allant des modélisations mathématiques (comment optimiser les négociations) à des approches plus sociologiques ou psycho-cognitives (comment interpréter le comportement des négociateurs), en passant par le recours à la simulation de négociation comme méthode d’apprentissage et de socialisation.

Simulations de négociations modèle ONU, 2013-2018

Source : mymun, https://mymun.com 

Commentaire : Les modélisations des Nations unies (MUN : simulations de négociations) sont organisées par des universités ou des lycées en s’inspirant des différentes institutions onusiennes. Ces initiatives ont été lancées aux États-Unis puis ont ensuite essaimé, avec succès, en Europe et, dans une moindre mesure, dans les pays du Sud.

De nombreux paramètres jouent sur le déroulement et l’issue des négociations. Outre ceux déjà évoqués, certains facteurs ont une influence décisive par rapport aux ressources matérielles des acteurs. Comptent ainsi l’expérience et la socialisation du personnel diplomatique, la maîtrise des règles formelles (rédaction, délibération, vote, etc.) et tacites de négociation (apartés, séquençage, sectorisation et/ou compromis global sur les enjeux), la perception des intérêts et des éventuelles reconfigurations d’acteurs en présence, la valorisation des contraintes domestiques, l’attention portée aux systèmes de valeur, aux styles et aux rôles des négociateurs, la prise en compte de la scénographie et des codes médiatiques.

Mots-clés

Citation

« Négocier » Espace mondial l'Atlas, 2018, [en ligne], consulté le 15 mars 2021, URL:
https://espace-mondial-atlas.sciencespo.fr/fr/rubrique-tentatives-de-regulations/article-6A01-negocier.html

Références

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