Les dimensions contemporaines du non-alignement
Initié lors de la conférence de Bandung, qui rassembla en avril 1955 les dirigeants de 29 États récemment décolonisés d’Asie et d’Afrique décidés à affirmer leur indépendance à l’égard de toutes formes de colonialisme et de néocolonialisme, le non-alignement prit une forme institutionnelle avec la formation du Mouvement des non-alignés (MNA), au moment de la conférence de Belgrade en 1961.
À l’époque de la confrontation entre les blocs de l’Est et de l’Ouest, il s’agissait d’affirmer une série de principes partagés et destinés à préserver l’autonomie de ces États : respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, non-agression, non-ingérence dans les affaires intérieures, égalité et aide mutuelle, coexistence pacifique.
Derrière la cohésion initiale, des courants se sont rapidement formés au sein du mouvement, certains États entretenant dans la pratique des relations exclusives avec l’un des blocs, tandis que d’autres étaient engagés dans des conflits ouverts (par exemple l’Inde et le Pakistan). Ces divisions ont entravé la capacité du MNA à produire davantage que des déclarations et formes de coopération symboliques. Toutefois, les principes affirmés ont permis de donner une visibilité au « tiers-monde ». Ces acteurs ont pu ainsi revendiquer leur autonomie politique et montrer qu’ils ne se contentaient pas de subir les politiques de puissance imposées par les deux grands et leurs guerres par procuration mais tenaient à affirmer leur autonomie politique.
Mouvement des non-alignés, 2018

Commentaire : Initié pendant la guerre froide à la conférence de Bandung en 1955 (29 États) et institutionnalisé en 1961, le Mouvement des non-alignés (indépendance à l’égard du colonialisme et du néocolonialisme, ni bloc Est ni bloc Ouest) a survécu à l’époque bipolaire et rassemble aujourd’hui 120 membres. Trois grands pays du Sud n’y sont cependant qu’observateurs : Chine, Brésil et Mexique.
Le MNA a tenté de se réinventer, depuis la fin de la guerre froide qui a remis en cause ses fondements. Le mouvement se donne désormais pour fonction de constituer une tribune pour les pays du Sud, en promouvant leurs intérêts dans le cadre des négociations multilatérales et en incarnant l’opposition au néocolonialisme. Il reste néanmoins affaibli par les divisions entre ses membres, et par l’existence d’autres organisations ou groupements portant un agenda similaire dans les instances multilatérales (le G77). Le MNA compte aujourd’hui 120 membres, soit les deux tiers des États membres de l’ONU et 55 % de la population mondiale.
- décolonisés > Décolonisation
- Les empires issus des deux grandes vagues de colonisation sont remis en question par les colonisés dès l’entre-deux-guerres pour s’effondrer après la seconde guerre mondiale. Le Royaume-Uni s’appuie sur le Commonwealth pour sortir du colonialisme avec une relative souplesse, alors que la France perd deux guerres en Indochine et en Algérie. En 1955, la conférence de Bandung réunit les représentants de vingt-neuf pays qui marquent leur soutien aux luttes d’indépendance. L’Espagne et le Portugal sont les derniers États européens à s’accrocher à leurs empires, lesquels s’effondrent en 1975. Si les empires coloniaux ont tous disparu, ils ont laissé des traces dans des territoires qui revendiquent leur indépendance. Depuis un demi-siècle se maintient un processus de colonisation israélien en Palestine.
- blocs > Bloc
- Notion courante pour désigner l’ensemble des États rassemblés autour de l’un ou l’autre des deux pôles (États-Unis et URSS) pendant la guerre froide. Utilisée depuis pour parler des ensembles régionaux qualifiés de « blocs commerciaux ». Ce terme insiste sur les fermetures et affrontements sans rendre compte de la diversité interne aux ensembles ni de leur dynamisme.
- tiers-monde > Tiers-monde
- La formule tiers-monde, apparue en 1952 sous la plume d’Alfred Sauvy, démographe français, semble datée depuis la fin de la guerre froide. Ainsi dénommé en référence au tiers-état de la Révolution française (Sieyès), le tiers-monde désigne, selon lui, les États, principalement du Sud, qui « ignoré[s], exploité[s], méprisé[s] […] veu[lent] eux aussi être quelque chose ». La volonté de ces acteurs d’imposer des débats Nord/Sud (notamment sur le développement) et plus seulement Est-Ouest souligne la dimension contestataire de leur mobilisation.
- guerres > Guerre
- Affrontement violent entre groupes armés sur des valeurs, des statuts, des pouvoirs ou des ressources rares, et dans lequel le but de chacun est de neutraliser, d’affaiblir ou d’éliminer ses adversaires. Cette violence armée collective organisée peut être le fait d’États (via leurs armées nationales) ou de groupes non étatiques ; elle peut opposer plusieurs États (guerre interétatique) ou se dérouler à l’intérieur d’un État (guerre civile). Progressivement codifiées et encadrées par le droit, les premières sont devenues rares, tandis que les secondes, aujourd’hui essentiellement causées par la défaillance institutionnelle des États, tendent à s’internationaliser, à perdurer (parfois des décennies) et à être extrêmement meurtrières, surtout pour les populations civiles.
- Sud
- Voir Nord et Sud