Paradis fiscaux
Un paradis fiscal est un territoire, souverain ou autonome, au régime fiscal ou juridique dérogatoire par rapport aux pratiques généralement admises : secret bancaire, taxation faible ou nulle, sociétés-écrans, obligations administratives réduites, etc. Certains paradis fiscaux proposent un éventail complet de services ; d’autres se spécialisent : secret bancaire (Suisse), pavillons de complaisance (Liberia), gestion des fortunes (Jersey), faible impôt des sociétés (Pays-Bas, Irlande), etc. Tous sont opaques et coopérent peu avec les autorités fiscales étrangères.
Commentaire : Trop liés aux enjeux politiques, les acteurs inter-étatiques (OCDE, UE, etc.) ne produisent pas de données indépendantes sur les paradis fiscaux les plus problématiques. L’ONG Tax Justice Network (TJN) milite pour plus de transparence dans la finance et analyse tous les deux ans l’opacité financière à travers deux aspects : 1/ le poids des territoires dans la finance offshore (les premiers étant les États-Unis, le Royaume-Uni puis le Luxembourg, qui concentrent plus de la moitié de la finance offshore mondiale) ; et 2/ le niveau d’opacité (les pires étant Vanuatu, Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, le Paraguay, Brunei ou encore les Émirats arabes unis). En combinant les deux (poids et opacité), TJN considère la Suisse comme le premier paradis fiscal, devant les États-Unis, les îles Caïmans et Hong Kong.
Ces régimes permettent aux firmes multinationales (FMN), aux politiciens corrompus, entrepreneurs, sportifs, vedettes du show-business, groupes mafieux, etc., d’échapper au fisc de leur pays, via des montages financiers légaux mettant à profit les failles des législations fiscales (optimisation fiscale) ou illégaux (évasion fiscale). Avec l’aide de grandes banques et de cabinets d’avocats, les FMN localisent leurs profits dans les pays où les taxes sont minimes afin de s’exempter d’impôts dans ceux où elles exercent réellement leurs activités. Selon l’économiste Gabriel Zucman, plus de 40 % des profits mondiaux des FMN et 8 % de la richesse financière des particuliers sont localisés dans des paradis fiscaux. Ce manque à gagner fiscal pour les États (350 milliards d’euros par an, dont 120 milliards pour l’Union européenne et 20 milliards pour la France) entraîne une surtaxation des classes moyennes ou la disparition des services publics.
Malgré la menace que les paradis fiscaux font peser sur la stabilité économique et financière mondiale et sur la pérennité du contrat social (principe de solidarité), ils ont longtemps été de fait protégés par les grands États qui, au-delà de leurs propres niches fiscales, ont entretenu avec eux des relations privilégiées, certains étant même sous leur contrôle (Delaware aux États-Unis, Hong Kong en Chine, etc.). Cependant, grâce aux révélations des enquêtes journalistiques sur des documents confidentiels ayant fuité (Offshore Leaks, 2013 ; Panama Papers, 2016 ; etc.), les États-Unis (sous Obama) et la Commission européenne ont pu forcer certains paradis fiscaux à mettre fin au secret bancaire et à prendre part à un échange automatique de données, voire à bannir certaines pratiques d’optimisation fiscale. En mai 2018, le Royaume-Uni a annoncé son intention d’obliger ses dépendances insulaires (Jersey, île de Man, îles Vierges, etc.) à plus de transparence financière.
- firmes multinationales > Firme multinationale
- Entreprise ayant réalisé des investissements directs à l’étranger (IDE) lui permettant de posséder des implantations qu’elle contrôle entièrement ou partiellement (des filiales). Les premières datent de la fin du xixe siècle ; elles se sont généralisées au début du xxie siècle. La majorité des IDE se font entre pays industrialisés. Plus que multinationales, ces entreprises sont transnationales et ont tendance, pour les plus importantes, à se transformer en entreprises-réseaux globales.
- évasion fiscale > Évasion fiscale
- Pratique illégale consistant à dissimuler ses revenus et ses avoirs dans un pays tiers, généralement un paradis fiscal, afin d’éluder ses obligations fiscales dans son pays de résidence ou d’activité. Au contraire, l’optimisation fiscale consiste à utiliser les failles des législations nationales afin d’échapper à l’impôt en toute légalité.
- services publics > Service public
- Activité d’intérêt général exercée par une collectivité publique, ou un organisme privé sous le contrôle de l’administration. Les missions attribuées au service public se sont étendues, des fonctions régaliennes traditionnelles (police, défense, justice, finances publiques, diplomatie) au secteur administré non marchand (éducation, santé, protection sociale, activités culturelles et sportives, etc.) et au secteur marchand, industriel et commercial (transports, énergie, eau, télécommunications, etc.). Le service public repose sur quelques principes fondamentaux : l’égalité d’accès et de traitement des usagers, la continuité, l’accessibilité, la neutralité et la transparence des services, et leur adaptation aux évolutions de l’intérêt général. Les notions de service d’intérêt général et de service universel, déployées au sein des institutions européennes et de certaines institutions internationales, redéfinissent – non sans controverses – le périmètre de l’action publique face à la libéralisation de certains de ses secteurs.
- contrat social > Contrat social
- Conçu en Occident aux xvie et xviie siècles, le contrat social désigne l’accord par lequel les êtres humains décident de quitter un état de nature supposé originel pour former une communauté politique. Le contractualisme marque une rupture avec la conception théologique du pouvoir et de sa légitimité en vigueur depuis le Haut Moyen Âge. C’est désormais le peuple – et non plus la volonté divine – qui devient la source du pouvoir civil, le pouvoir des gouvernants reposant sur le consentement des gouvernés (Grotius, Pufendorf, Locke, Rousseau, Hobbes). Au xviiie siècle, la thèse du contrat social nourrit les aspirations libérales et démocratiques à limiter le pouvoir au nom de la volonté générale. Au xxe siècle, elle inspire les réflexions de philosophes sur la justice (John Rawls) ou la démocratie délibérative.