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Paradis fiscaux

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Un paradis fiscal est un territoire, souverain ou autonome, au régime fiscal ou juridique dérogatoire par rapport aux pratiques généralement admises : secret bancaire, taxation faible ou nulle, sociétés-écrans, obligations administratives réduites, etc. Certains paradis fiscaux proposent un éventail complet de services ; d’autres se spécialisent : secret bancaire (Suisse), pavillons de complaisance (Liberia), gestion des fortunes (Jersey), faible impôt des sociétés (Pays-Bas, Irlande), etc. Tous sont opaques et coopérent peu avec les autorités fiscales étrangères.

Indice d’opacité financière, 2018

Source : The Tax Justice Network, www.financialsecrecyindex.com 

Commentaire : Trop liés aux enjeux politiques, les acteurs inter-étatiques (OCDE, UE, etc.) ne produisent pas de données indépendantes sur les paradis fiscaux les plus problématiques. L’ONG Tax Justice Network (TJN) milite pour plus de transparence dans la finance et analyse tous les deux ans l’opacité financière à travers deux aspects : 1/ le poids des territoires dans la finance offshore (les premiers étant les États-Unis, le Royaume-Uni puis le Luxembourg, qui concentrent plus de la moitié de la finance offshore mondiale) ; et 2/ le niveau d’opacité (les pires étant Vanuatu, Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, le Paraguay, Brunei ou encore les Émirats arabes unis). En combinant les deux (poids et opacité), TJN considère la Suisse comme le premier paradis fiscal, devant les États-Unis, les îles Caïmans et Hong Kong.

Ces régimes permettent aux firmes multinationales (FMN), aux politiciens corrompus, entrepreneurs, sportifs, vedettes du show-business, groupes mafieux, etc., d’échapper au fisc de leur pays, via des montages financiers légaux mettant à profit les failles des législations fiscales (optimisation fiscale) ou illégaux (évasion fiscale). Avec l’aide de grandes banques et de cabinets d’avocats, les FMN localisent leurs profits dans les pays où les taxes sont minimes afin de s’exempter d’impôts dans ceux où elles exercent réellement leurs activités. Selon l’économiste Gabriel Zucman, plus de 40 % des profits mondiaux des FMN et 8 % de la richesse financière des particuliers sont localisés dans des paradis fiscaux. Ce manque à gagner fiscal pour les États (350 milliards d’euros par an, dont 120 milliards pour l’Union européenne et 20 milliards pour la France) entraîne une surtaxation des classes moyennes ou la disparition des services publics.

Malgré la menace que les paradis fiscaux font peser sur la stabilité économique et financière mondiale et sur la pérennité du contrat social (principe de solidarité), ils ont longtemps été de fait protégés par les grands États qui, au-delà de leurs propres niches fiscales, ont entretenu avec eux des relations privilégiées, certains étant même sous leur contrôle (Delaware aux États-Unis, Hong Kong en Chine, etc.). Cependant, grâce aux révélations des enquêtes journalistiques sur des documents confidentiels ayant fuité (Offshore Leaks, 2013 ; Panama Papers, 2016 ; etc.), les États-Unis (sous Obama) et la Commission européenne ont pu forcer certains paradis fiscaux à mettre fin au secret bancaire et à prendre part à un échange automatique de données, voire à bannir certaines pratiques d’optimisation fiscale. En mai 2018, le Royaume-Uni a annoncé son intention d’obliger ses dépendances insulaires (Jersey, île de Man, îles Vierges, etc.) à plus de transparence financière.

Citation

« Paradis fiscaux » Espace mondial l'Atlas, 2018, [en ligne], consulté le 15 mars 2021, URL:
https://espace-mondial-atlas.sciencespo.fr/fr/rubrique-tentatives-de-regulations/focus-6F07-paradis-fiscaux.html

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