Résumé

D’un accès très inégal, l’eau douce fait l’objet d’une utilisation massive par l’agriculture intensive, l’industrie et le secteur énergétique. S’y ajoutent des modes de consommation peu durables ainsi que la croissance des pays émergents, qui entraînent une forte augmentation de la demande en eau, tandis que la dégradation des sols et les changements climatiques aggravent le stress hydrique.

Ressource renouvelable – mais non substituable – et indispensable à la vie, l’eau douce reste d’un accès très inégalement réparti selon la localisation des aquifères souterrains et des bassins hydrographiques, la capacité des sociétés à les gérer et les modes d’appropriation, d’exploitation et de distribution.

La consommation annuelle mondiale représente un septième de l’eau douce disponible et le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) évalue le droit à l’eau à 20 litres minimum par jour et par personne. Pourtant, 840 millions d’individus – dont 90 % en Afrique subsaharienne et en Asie – n’ont pas accès à l’eau potable (source potable protégée à moins de 30 minutes du domicile), 2,1 milliards n’y ont pas accès à leur domicile et 4,4 milliards ne sont pas reliés à un réseau d’assainissement sûr (toilettes, lavage des mains).

Accès élémentaire aux services d’approvisionnement en eau potable, 2015

Source : Joint Monitoring Programme for Water Supply, Sanitation and Hygiene, www.washdata.org 

Commentaire : Le Joint Monitoring Programme for Water Supply, Sanitation and Hygiene de l’OMS et de l’Unicef collecte des données sur l’eau, l’assainissement et l’hygiène dans les pays et les régions du monde. Cette carte de l’accès aux services de l’eau potable montre à quel point celui-ci n’est pas universel. Dans de nombreux pays d’Afrique, il ne concerne qu’une partie de la population et entre 20 % (en Érythrée) et 60 % des habitants en sont encore privés, même si les hachures indiquent une évolution positive entre 2000 et 2015 avec le franchissement des 50 %.

En dépit de progrès notables depuis les années 1990, 1,8 milliard de personnes restent approvisionnées par de l’eau contaminée et plus de 800 000 (dont plus de 40 % d’enfants de moins de 5 ans) meurent chaque année de maladies liées à l’eau (diarrhées, dysenterie, choléra, typhoïde, etc.).

D’ici à 2050, plus de 40 % de la population mondiale risquent de vivre dans des régions touchées par une pénurie d’eau (Inde, Chine, Méditerranée, Moyen-Orient, Asie centrale, Afrique subsaharienne sèche, Australie, ouest de l’Amérique, etc.). Neuf pays (Brésil, Russie, États-Unis, Canada, Chine, Indonésie, Inde, Colombie, Pérou) se partagent 60 % des réserves mondiales, tandis que l’Asie, qui abrite près de 60 % de la population mondiale, ne dispose que de 30 % des réserves.

L’eau est utilisée à 70 % par l’ agriculture intensive (évaporation dans les terres agricoles irriguées), à 20 % par l’industrie (notamment manufacturière) et à 10 % par la consommation des ménages. La production d’énergie, certains modes de consommation (alimentation carnée, gaspillage alimentaire, etc.) et la croissance des pays émergents induisent une forte augmentation de la demande en eau.

Stress hydrique

Les situations de stress hydrique (< 1 700 m 3 par an et par habitant) ou de pénurie (< 1 000 m 3) concernent surtout les populations les plus défavorisées et sont aggravées par les ponctions excessives dans les eaux de surface, les politiques publiques de gestion des ressources inadaptées, les pollutions diverses, l’urbanisation, l’ étalement urbain et l’accroissement démographique ou encore les changements climatiques et leurs effets (sécheresses et inondations accrues).

Stress hydrique, projections en 2040

Source : World Resources Institute, www.wri.org 

Commentaire : Sur le modèle de l’empreinte écologique, l’empreinte eau (« water footprint ») a été conçue pour mieux appréhender le stress hydrique. Elle comprend l’eau bleue (pompée dans les nappes phréatiques), l’eau verte (utilisée par les végétaux pour produire la biomasse), l’eau virtuelle (contenue dans les produits agricoles ou manufacturés commercialisés) et l’eau grise (utilisée pour dépolluer et recycler les effluents). Réalisée à partir des données du think tank américain World Resources Institute, la carte montre des projections de stress hydrique en 2040. Celui-ci fait le rapport entre les prélèvements totaux annuels en eau et le total des ressources renouvelables annuelles disponibles. Les valeurs les plus élevées indiquent plus de concurrence entre les utilisateurs et affectent une grande part de la population mondiale : ouest des États-Unis, Mexique, côte ouest de l’Amérique latine, pourtour méditerranéen, Moyen-Orient, Asie de l’Ouest et nord de la Chine.

Ces facteurs accentuent la dégradation des sols (érosion, acidification, imperméabilisation, déséquilibre en éléments nutritifs, contamination, perte de la biodiversité, etc.).

Les eaux usées restent inégalement traitées selon les niveaux de développement (70 % dans les pays à revenu élevé, 38 % dans les pays à revenu intermédiaire supérieur, 28 % dans les pays à revenu intermédiaire inférieur, et seulement 8 % dans les pays à faible revenu), entraînant une dégradation des eaux de surface et souterraines et des écosystèmes marins (pollution organique, eutrophisation, désoxygénation de l’eau, etc.).

Si l’eau a longtemps été principalement perçue comme un enjeu géopolitique à travers les tensions dont elle est l’objet (bassins fluviaux transfrontaliers, partage des eaux territoriales, hydroconflictualité, etc.), une prise de conscience progressive de l’ampleur et de la diversité des problématiques liées à l’eau s’est effectuée depuis les années 2000.

Elle a culminé avec la place accordée à cet enjeu dans les objectifs de développement durable (ODD) adoptés en 2015. Les projets de « solutions fondées sur la nature » (c’est-à-dire inspirées du cycle naturel de l’eau) se multiplient afin de préserver les zones humides et leur écosystème, de retenir naturellement les eaux, de gérer durablement les eaux pluviales et de ruissellement en milieu urbain et périurbain (« villes perméables » ou sponge cities) ou d’utiliser l’eau comme source d’énergie.

Gestion publique vs privée

États, municipalités, firmes multinationales, organisations internationales, ONG, organisations communautaires de base, usagers, chercheurs : les acteurs impliqués dans la gestion de l’eau sont nombreux et entretiennent des relations complexes. La gestion comprend le captage, la purification, le stockage, la distribution, la collecte des eaux usées, l’assainissement et le recyclage. Dans le monde, 90 % de l’eau utilisée est gérée par une régie publique, les 10 % restants relevant soit d’une délégation de service public à un opérateur privé pour une durée déterminée et pouvant aller jusqu’à la concession dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP) (modèle français), soit d’une initiative privée associative (colportage d’eau à domicile, bornes-fontaines, gestion de mini-réseaux, etc.), soit d’opérateurs privés sous la forme d’une privatisation du service public (modèle anglo-saxon).

Remunicipalisation de la gestion d’eau potable, 2000-2015 

Source : Water Remunicipalisation, www.remunicipalisation.org 

Commentaire : Après avoir été l’objet privilégié de partenariats public-privé (PPP) pendant plusieurs décennies, les services d’approvisionnement en eau et d’assainissement sont devenus l’un des principaux secteurs touchés par la remunicipalisation (entre mars 2000 et mars 2015, 235 cas dans 37 pays, pour plus de 100 millions de personnes). La carte, établie à partir des données du projet Water Justice mis en place par un groupe de recherche et de plaidoyer pour des modèles équitables, démocratiques et durables d’approvisionnement en eau (Corporate Europe Observatory et Transnational Institute), montre que ces remunicipalisations touchent davantage les pays à revenus élevés.

De nombreuses ONG, locales ou internationales, travaillent à l’amélioration de la gestion des ressources en eau dans les communautés rurales et les bidonvilles urbains. Il en est de même des organisations internationales et régionales, souvent de façon fragmentée (une trentaine d’instances onusiennes s’y consacrent, rassemblées depuis 2003 sous la bannière d’ONU Eau/ UN Water). Depuis 1996 s’y ajoute le Conseil mondial de l’eau, club à vocation de think tank, lié au secteur privé, qui s’est autoproclamé organisation internationale et organise un Forum mondial de l’eau triennal.

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